La lutte des cases

Pour leur 16e édition, les 5 Jours BD de Grenoble accueillent en invité d’honneur le grand Sergio Toppi. On vous laissera donc détailler vous-même l’impressionnante liste d’auteurs invités (près d’une quarantaine), scruter les diverses animations proposées pour l’occasion, et jeter un coup d’œil à l’exposition consacrée au prometteur jeune auteur anglais James Mac Kay (La Cité des Secrets), pour mieux se consacrer à ce grand nom de l’âge d’or de la BD italienne. Un titre auquel on aurait cependant tort de le réduire, tant ses incessantes expérimentations ont fait école à bien plus large échelle… Mais commençons par le commencement. Ce qui frappe en premier chez Toppi, c’est avant tout sa prodigieuse “patte“ graphique, reconnaissable entre mille. Un dessin «à la fois fouillé, acéré, élégant, et d’une totale lisibilité» pour reprendre les termes de Michel Jans, instigateur du festival, qui ne relègue jamais pour autant le scénario au second plan. Fidèle en cela à une certaine tradition italienne (Pratt, notamment), Toppi n’aime rien tant que les récits d’aventures mâtinés d’éléments fantastiques, qu’ils se déroulent au XIXe siècle sous les Tropiques comme dans Île pacifique, ou dans une mythologie fantasmée comme dans sa virtuose relecture des Contes des 1001 Nuits, Sharaz-De. S’il n’en bouscule pas radicalement les codes, il se distingue néanmoins par un ton assez singulier, loin de tout angélisme, et un refus du principe de héros récurrent (auquel il fera cependant exception avec son personnage du Collectionneur). Mais c’est avant tout au découpage des cases qu’il réserve ses principales innovations. Refusant le diktat de l’enchaînement de cases rectilignes, il en dynamite les conventions dans les années 70 pour mieux influer sur le rythme et les effets de mise en scène de son récit. Autant d’éléments qui font de chacune de ses bandes dessinées des œuvres uniques et hors-normes, qu’on vous enjoint fortement à (re)découvrir. DG

Les 5 Jours BD de Grenoble du 8 au 12 mars, à Alpexpo