Les vies de l'Adaep

Panorama / Après 30 ans d’histoire culturelle, associative, humaine, l’Adaep poursuit bon gré mal gré son projet. Certes, il ne rentre pas dans les cadres établis, mais il génère une force de proposition énergique et créative qui rencontre un large public. Séverine Delrieu

l’Adaep (association pour le développement des Arts et expressions populaires), œuvre pour une culture populaire à travers la création, la diffusion et la formation, est devenue un lieu incontournable de la vie culturelle grenobloise. Malgré des locaux étroits, un manque d’argent chronique, un surendettement subséquent, l’Adaep s’est tout de même développé grâce à l’investissement bénévole et la “foi” de ses participants qui se sont peu à peu professionnalisés. Il est aujourd’hui un lieu unique. Ouvert à tous d’abord, il est aussi innovant parce qu’il refuse notamment la logique de “l’excellence”. En effet, ce projet relève d’abord de l’intérêt collectif pour l’enrichissement de chaque citoyen. Et le bilan de ce projet porté par une idée différente de la culture est très bon, en termes de fréquentation. Au niveau des salles municipales (scène nationale exclue), celle de l’Adaep se place en deuxième position, juste après le Théâtre Municipal. Un public spécifique s’y rend. Mais aussi un public RÉELLEMENT composé de toutes catégories sociales et âges confondus, selon les propositions, toujours aussi foisonnantes d’ailleurs. Voie fédératriceCette nette amélioration est le fait de la restructuration de 2005, qui avait pour but de juguler problèmes internes et financiers. L’Adaep a fait peau neuve, elle est une fédération et ne gère plus de projets culturels ; cette responsabilité est aujourd’hui à la charge des 5 associations qui composent cette fédération, dont La Petite Roulotte (jeune public), Aremdat (bals folk), Mus’act (concerts), Piment Vert (café des Arts et Expressions) et Step (formation théâtrale). L’Adaep, elle, gère les locaux. Les moyens logistiques, et certains postes sont mutualisés, ainsi que les recettes (15% de la billetterie de chaque événement part à la fédération). Depuis, Mus’act, c’est 50% d’augmentation de fréquentation. La Petite Roulotte et l’Aremdat, 10%. Une idée du collectif qui fonctionne. Et qui se prolonge au sein même de chaque asso, car l’originalité est d’avoir ouvert leurs scènes à d’autres : «la démultiplications des réseaux d’un programmateur crée la richesse et la qualité des propositions. Il n’y a plus de programmateur omniscient qui connaîtrait tout et tous les styles», précise Loïc Cloez, coordinateur de l’Adaep. Oui mais, le gros problème, c’est le manque d’argent. Avec 11500 euros de la Mairie et 11500 du Conseil Général, «on ne fait pas tourner une salle qui accueille 300 manifestations par an avec 23000 euros, ce n’est pas possible, on a beau faire toutes les économies possibles et inimaginables, on y arrive pas», renchérit-il. Situation chronique de sous-financementSans compter que l’Adaep est surendettée. Que la salle, trop étroite, n’est pas aux normes et qu’elle aurait besoin d’être équipée d’une régie son et lumière. Après moult appels aux collectivités locales, restés sans réponses, l’Adaep effectue une campagne plutôt osée : pendant le mois de décembre, chaque élu a reçu une carte postale rouge sur laquelle étaient écrits les arguments contradictoires que certains élus avançaient pour ne pas soutenir l’Adaep. Depuis, certains élus ont découvert la salle. Dont l’UMP, qui est venu visiter les lieux. Depuis aussi, la Mairie a augmenté de 5000 euros sa subvention. Et octroie 10000 euros à Mus’act. Autant dire, que, par rapport à la somme de base demandée (80000 euros de fonctionnement pour l’Adaep + les aides aux assos, ainsi que 180000 euros pour mettre le lieu aux normes), l’association s’estime incomprise. Mais pour la Mairie, les sommes demandées ne sont pas réalistes. Non-standardisation de l’activitéOlivier Noblecourt, Directeur de Cabinet du Maire reconnaît que «ce lieu a pris de l’importance et qu’il offre une grande richesse culturelle, néanmoins, ajoute t-il, la Mairie ne pourra suivre financièrement que pas à pas le projet, elle serait bien incapable de débourser une telle somme». Pour Pierre Saccoman, Président de l’Adaep, le problème s’avère avant tout lié à un rééquilibrage des budgets. «Le problème de ce qui est mouvement alternatif, mouvement populaire, tout mouvement culturel s’opposant à une culture élitiste, est une culture laissée de côté. Aussi bien du côté de l’État que des collectivités locales. Quand on dit que 95% d’une budget culturel que ce soit de l’État ou d’une collectivité locale est pris par des institutions officielles, c’est une réalité française. Il y a 5% pour tout ce qui est aventure, expérimentation, structures marginales et pour ce qui est pour moi le fondement même de la culture pour tous, le fait que tout le monde est accès aux expressions». Effectivement, comment se positionner face à ces nouvelles formes riches et diversifiées du spectacle vivant qui à la base, étaient motivées par la conviction qu’une autre manière de faire était possible - notamment de lancer un projet sans un centime (d’euros) ? Aujourd’hui, tiraillées entre l’engouement qu’elles suscitent, et le peu de moyens dont elles disposent, ces initiatives fondées sur la nécessité de remettre la personne au cœur de la société, ont besoin d’être reconnues dans leur pleine mesure et soutenues à leur juste valeur. L’Adaep constitue cet espace intermédiaire, noyau vital de toute société en progrès.

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