Jazz de contrebande

Pour leur nouvelle apparition sur les planches du Théâtre 145, les membres du gang plus connu sous le nom de Johnny Staccato Band s’apprêtent à transformer le lieu en tripot le temps de trois soirées. Retour sur leur carrière éclatée. FC

La genèse exacte du projet se perd en conjectures. On la situera donc quelque part dans l’année 1995 : la compagnie des Barbarins Fourchus s’embarque alors dans une tournée nationale intitulée le Moderne Voyage. Sous un chapiteau itinérant, les musiciens s’allient aux toulousains ascendants circassiens d’Okupa Mobil pour livrer un spectacle en dix tableaux, qu’ils promèneront de Chalon à Poitiers, en passant bien sûr par Grenoble (à l’Esplanade, précisément). C’est au cœur de ce projet artistique que naît le concept Johnny Staccato Band : des Barbarins, mais aussi tous les invités possibles et imaginables, participent de la façon la plus free possible à un simili big band jazz. Une variation musicale et ludique au sein de la compagnie, qui fournit un plaisir sans cesse renouvelé à ses instigateurs. Après un remarqué détour par le Festival de Jazz de Grenoble en 1997, le Johnny Staccato Band revêt les atours d’un side-project à la récurrence éclatée. Mais l’état d’esprit qui anime ses musiciens est beaucoup trop synchrone avec celui des Barbarins Fourchus pour qu’il reste lettre morte. Inquiétude sur le libéralisme galopant, sur l’omniprésence états-unienne, sur les nouvelles habitudes musicales, sur la motivation, le besoin, la soif de vivre son art en pleine et jouissive indépendance. Sous la férule attentive de Sergio Zamparo, Johnny Staccato entend bien livrer de nouveaux épisodes à son public et multiplier les aventures et autres collaborations.

Road movie

Au travers de ses dernières représentations, à l’ancien Théâtre de Poche ou au 145, le groupe s’est penché sur l’histoire du jazz tel qu’ils ont appris à l’aimer : métissé, fusionnel, swinguant à mort, et suintant la révolte tacite mais ferme des clandés légendaires d’où il tire sa sève. Les membres du Johnny Staccato Band reconstituent, par leurs jeux de scène, leur scéno, leurs lumières ou leurs projections vidéo (grâce soit rendue à leurs méritants techniciens de l’ombre), des images d’Épinal d’une société américaine fantasmée, figée sur ses icônes subversives disparues (voir ci-contre). Une bonne pincée de Beat Generation, de bandes pelliculées en noir et blanc, de libertés sonores au feeling gravement contagieux. Un cocktail addictif, dont la nouvelle mouture donnée du 18 au 20 janvier au Théâtre 145 tentera de renouer avec l’atmosphère des petits clubs de jazz, tendance Prohibition. Soutenus par des musiciens venus de Turin, les piliers du Johnny Staccato Band devraient une nouvelle fois régaler leurs aficionados, et séduire les novices.

Johnny Staccato “Syncopated Club“, du 18 au 20 janvier, au Théâtre 145