Le chaînon manquant

interview / Électron libre à mi-chemin des scènes hip-hop et électroniques pour lesquelles il partage le même engouement, DJ Mehdi vient de sortir un remarquable nouvel album, “Lucky Boy”. Entretien avec un artiste passionné. Propos recueillis par Damien Grimbert

Tes premiers pas ?Mehdi : En 1988, j’ai participé dans mon quartier à des ateliers pour apprendre à scratcher, danser, rapper, et taguer, qui étaient organisés par mon oncle, qui était aussi DJ et avait une grosse collection de disques. C’est comme ça que je suis entré dans le hip-hop et que je me suis spécialisé dans la musique.Tu as toujours eu cette énorme ouverture musicale ?Non, c’est fatalement un truc qui vient progressivement… C’était cool à un moment d’être plongé dans un truc exclusif comme le rap, parce qu’il se passait aussi plein de choses à ce moment-là : entre 88 et 94, il y a eu comme un espèce d’âge d’or qui permettait de toujours passer d’une chose à l’autre, de Boogie Down Productions à Public Enemy, puis a Big Daddy Kane, N.W.A, Dr Dre, et puis encore plus tard le Wu-Tang, Nas, Notorious BIG… Et puis à un moment, j’ai eu plein de sollicitations musicales diverses, dans d’autres genres musicaux, et c’est comme ça que je m’y suis intéressé. Quand j’étais gamin, pour moi, la techno, c’était un vaste mouvement qui incluait l’eurodance, les raves, la makina… Je ne faisais pas encore la distinction entre tout. Jusqu’au jour où on t’explique, que quelqu’un t’assoie et te dit : “Écoute ça, c’est quelqu’un qui est juste comme toi, il habite à Detroit ou à Chicago, il est dans sa chambre avec les mêmes outils que toi, et il fait une musique qui, tu ne t’en rends peut-être pas compte, mais est exactement la même, qui a la même intensité”.Aujourd’hui le hip-hop et l’électro semblent d’ailleurs plus proches qu’auparavant…Il y a un petit peu de ça, mais ça reste quand même très partiel : quand tu as 200 000 personnes qui se déplacent dans le Larzac faire une rave, écouter de la techno ou de la drum’n’bass, ils n’y vont pas pour écouter du rap français. Et inversement quand Diam’s, Booba, ou des très gros vendeurs de disques de rap français font des concerts, ils sont pas forcément en train d’y mélanger de l’électro et de la techno avec leur rap. Il y a une frange des deux scènes qui se rapprochent et c’est cool, c’est aussi bien aidé par les producteurs américains du type Pharell ou Timbaland, qui ont des sonorités qui rapprochent les deux genres, c’est sûr, il y a aussi peut être un peu de l’esthétique des années 80 qui revient, mais c’est quand même un combat d’assez longue haleine…Les mélodies semblent jouer un rôle très important dans ta musique…Ce qui est sur c’est que j’adore les chansons. Le format couplet / refrain / couplet / refrain, dans des chansons d’à peu près 3 minutes sur des disques avec 14 morceaux, c’est un code qui existe depuis les années 50, et que le rap, qui se prend pour une musique plutôt rebelle, n’a d’ailleurs pas trop bousculé… C’est un format dans lequel je m’exprime avec beaucoup de liberté, et c’est clair que la mélodie, ou les harmonies, font partie prenante de la chose. C’est comme ça que j’ai appris à faire de la musique, et même quand je fais des morceaux instrumentaux, il y a toujours un semblant de cette structure couplet / refrain.Qu’est-ce qui t’a incité à choisir Ed Banger pour sortir ce nouvel album ?J’ai autant choisi Ed Banger qu’Ed Banger m’a choisi ! Je travaille avec Pedro Winter, le directeur du label, depuis toujours et il se trouve que c’est un super producteur de disques et que son label est un super label. Avec les artistes avec qui j’ai la chance de partager l’affiche, Sebastian, Uffie, Mr Flash, Justice, Vicarious Bliss et Krazy Baldhead, plus les affiliés type Surkin chez Institubes, ou Kavinsky chez Record Makers ou Mr Oizo chez F Com, il y a une aventure humaine, un truc de son aussi qui est hyper encourageant et stimulant.Comment conçois-tu tes DJ sets ?Je joue beaucoup de rap et de musique électronique, et j’essaie aussi de proposer aux gens des morceaux qu’ils ne connaissent pas forcément. Quand je joue devant un public plutôt rap, et que je leur mets des morceaux de Justice ou de Para One, ils sont pas forcément préparés pour ça et c’est ça que j’aime bien. Et inversement, quand je suis au Rex et que je mets un morceau de hip-hop pas très connu de Rhymefest ou de Lupe Fiasco, il y a une petite tension et ça me plait bien aussi…À voir : l’excellent clip de “I am Someboby”, premier single de l’album, réalisé par le jeune surdoué So-Me (www.myspace.com/djmehdi)À écouter : “Loukoums”, la monstrueuse mixtape de DJ Mehdi en hommage à Jay Dee, producteur hip-hop légendaire de Detroit décédé en début d’année (disponible en s’abonnant gratuitement au podcast de DJ Mehdi, également sur sa page myspace)

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