Son nom est personne

Après 15 années d’activisme au sein de Boucherie Productions, de multiples rôles au cinéma et de concerts au sein de Pigalle, des Garçons Bouchers ou de Los Carayos, l’excellent François Hadji-Lazaro officie sous son nom propre depuis deux albums (le troisième est en préparation). Bilan : le public connaît sa gueule, rarement son nom. Propos recueillis par Arnault Breysse

Merci, grâce au premier titre de l’album, j’ai appris ce que c’était qu’un bathyscaphe (ndlr : un sous-marin inventé en 37 par le professeur Piccard qui a inspiré Tournesol à Hergé - et un morceau de Rien). Le texte est un hommage à Topor ?François Hadji-Lazaro : J’aime bien partir dans tous les sens, passer de choses réalistes à des chansons politisées. Je me suis dit après que ça ressemblait à Topor. C’est pas un hasard. Je suis un grand admirateur de Topor, on était proches.Tu engages Contre-Courant en terrain poétique et tu clos cet album sur une thématique écologique…Il y avait une écriture spécifique avec Pigalle et les Garçons Bouchers. Ce dernier titre est plus Garçons Bouchers, il parle d’écologie avec une grosse dose d’humour. J’essaie aussi de passer un message auprès du public plus jeune. Après l’arrêt des Garçons Bouchers, je ressentais un manque au niveau de l’écriture. Aujourd’hui je retrouve les deux. Tu sautes d’un registre à l’autre pour tes textes, même chose pour la musique… C’est aussi à “contre-courant” d’un marché dans lequel il faut être facilement répertorié. Dans les Fnac, on savait pas où mettre mes disques, comme tous ceux de Boucherie. Les gens ont du mal avec les changements de cap. Si tu fais du romantique, tu fais du Murat. Si tu fais du comique troupier, c’est Carlos. Moi j’fais un peu de tout en même temps.Après toutes ces années, tu vis encore ça comme un écueil ?Non, mais si les gens n’avaient pas ce réflexe j’aurais sans doute une place plus importante, je parviendrais à toucher un public populaire plus large, qui s’intéresse aux chansons, et sans faire de populisme à la Renaud. Pour que ça marche beaucoup, faut toujours faire les mêmes albums. Moi, je change à chaque fois.Boucherie Productions baisse le rideau en 2002, on te retrouve ensuite signé chez Universal…J’ai passé pas mal de temps à expliquer clairement les choses dans les médias. Boucherie a duré 15 ans, c’est le côté positif. Ensuite, il y a eu un temps de réflexion. J’aurai pu remonter un label généraliste, on m’aurait prêté l’argent pour. Mais j’aurai tenu 3 ans maximum. J’allais pas aller chez un faux label indépendant comme Naïve. Universal est la plus grosse major, ils s’assument comme tel. Avec Pascal Nègre, on a eu de grosses engueulades dans le passé, on se connaît bien et on se respecte. J’ai aussi eu la garantie de faire ce que je voulaisTu as envie de remonter au créneau à la suite du débat parlementaire sur le droit d’auteur et le téléchargement ?C’est pas le bon créneau. Une nouvelle fois c’est l’intelligence des majors de bourrer la tête à tout le monde. Le chanteur de Téléphone qui vient pleurer, le Nouvel Obs qui s’engage avec sa pétition alors qu’ils n’ont jamais rien fait pour le circuit indépendant… C’est un faux problème, la majeure partie du téléchargement, c’est les gros trucs genre Pagny. Personne ne parle de la politique culturelle catastrophique, ou de la main mise de la Fnac sur le marché du disques. Elle peut retirer et condamner un artiste au bout de trois semaines de rayons. Pareil pour la scène, on nous dit qu’elle ne s’est jamais aussi bien portée. C’est vrai pour les gros festivals. Avce les musiciens, on constate au fil de la tournée que les salles rament, qu’il y a moins d’argent. Avant, les municipalités faisaient passer Michel Sardou et d’autres trucs. Aujourd’hui, c’est juste Michel Sardou. Les budget ont baissé de 15 % par an. Ça touche la danse, le théâtre, la musique. Alors les propos débiles de Jean-Louis Aubert...Comment vois-tu la suite ?Je vois pas de solutions à court terme. On n’entendra jamais les bons, ils resteront dans leur coin. La jeune génération va débarquer dans un entonnoir culturel musical et Internet n’a pas vraiment tenu le rôle qu’on pouvait espérer. J’espère que ceux qui ont 6/7 ans aujourd’hui feront bouger les choses à l’adolescence. Justement, parmi les bons tu penses à qui ?Je connais plus rien. Avant j’écoutais plus de1200 démos par an, des gens qu’on suivait parfois sur 6/7 ans. On devait être 5 ou 6 en France à faire ce boulot. Aujourd’hui, je vois de plus en plus de mauvaises copies des Têtes Raides et une mauvaise compréhension de ce qu’est la chanson française. Une parodie avec accordéon et casquette de travers. Tu prends Bénabar, c’est un bon chanteur avec de bons textes, mais ses arrangements ont 30 ans de retard. Pour le chapitre cinéma, on m’avait chaudement recommandé le visionnage de Dellamorte Dellamore. J’en suis désolé mais ce sera finalement pour ce soir…C’est marrant, on m’en parle souvent. C’est devenu un film culte, et ça reste un super souvenir. En ce moment, il y a J’ai vu tuer Ben Barka qui est encore à l’affiche dans quelques salles. J’ai aussi décapité Arielle Dombasle dans un truc de Josée Dayan pour la télé. Je l’ai vu et c’était pas bien du tout. J’ai aussi un projet de comédie musicale... C’est compliqué, le cinéma va encore plus mal que la musique. Si tu fais pas un film de bobos en pleine crise de la quarantaine, t’as pas de financement. Comment as-tu démarré le cinéma ?Avec Tavernier. Il m’avait vu à la télé dans l’émission Les enfants du rock, un extrait de concert plutôt violent. Il m’appelle : «J’ai un rôle pour vous, je vous ai vu à la télé hier soir». Je faisais un peu la gueule en imaginant le genre, violent. Puis il m’a dit que je serai un moine du 14e qui élève une enfant dans La Passion Béatrice. Un rôle de gentil, ça m’a porté chance. Pour moi jouer la comédie a toujours été un truc secondaire, t’es pris en main par un metteur en scène, tu t‘occupes de rien. J’me marre quand les acteurs disent que c’est un métier difficile, ils devraient essayer les concerts…Quelque chose d’important à rajouter ?Oui. Quand je me suis retrouvé chez Island on a été face à un problème avec l’arrêt de Pigalle. Il y avait un gros souci avec mon nom, pas avec ma gueule. Même si on me demande dès fois si c’est pas moi dans Fort Boyard. Dans le milieu on sait qui je suis, le public non. Sur les affiches on a marqué un truc genre “Ex Garçons Bouchers”. Pourtant j’en suis au troisième album et c’est toujours pas évident pour les gens.François Hadji-Lazaroles 27 et 28 janvier, au Théâtre Ste-Marie-d'en-BasAlbum : "Contre-Courant" (Island)

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