Arnaud Rebotini : Enjoy the noise

PORTRAIT / Baroudeur musical éclectique, mélomane hardcore, actuellement membre du duo Black Strobe au côté d'Ivan Smagghe, Arnaud Rebotini viendra inaugurer de son imposante présence les soirées Electro/choc au George V, à l'initiative du Mark XIII. François Cau

Tout de noir vêtu, ses deux mètres assortis d'un gabarit pour le moins robuste, sa longue mèche striant son visage fermé, Arnaud Rebotini ferait presque peur. Confronté au bonhomme en novembre dernier au Rex Club parisien, à la soirée de lancement de l'album de The Hacker, on n'osait même pas croiser son regard, de peur de se faire foudroyer sur place. Et pourtant, coincé aux platines entre ce dernier et Miss Kittin, il avait eu raison de nos défiances via un set en appelant aux sources électro, des incontournables tubes new-wave aux plus perfides des basses technoïdes. Pour sa venue en terre grenobloise aux côtés des excellents Jerome D et The Fly (et des non moins excellents Human Body et Havoc pour la before), un petit récapitulatif s'imposait. Fondu au noir, raccord hasardeux sur ses premières années parisiennes. Sous le signe du V Loin des états d'âmes versaillais récemment exorcisés par le Klub des Loosers, Arnaud Rebotini vit assez bien sa jeunesse dans le Ve arrondissement parisien. Au lycée Jules Ferry (improbable vivier de pionniers parisiens de l'électronique, pour des raisons restant à déterminer), il croise les juvéniles Alex Gopher, Etienne de Crecy ou Nicolas Godin de Air, bloque avec eux sur les sonorités funk et hip hop mais se nourrit également de toutes les tambouilles musicales imaginables. Pop anglaise, métal, punk mais aussi musique classique, où il puisera plus tard l'essence de ses compositions, revendiquant comme maîtres à penser Debussy (pour son art du contre-courant) ou Stockhausen (pour sa façon d'envisager les styles comme des "objets sonores"). En sortant du cursus scolaire, il devient vendeur au légendaire magasin musical Rough Trade, ses collègues répondant aux noms de Jérôme Mestre (futur fondateur du label Artefact) et Ivan Smagghe. Sur place, il se prend l'engouement électronique de plein fouet jusqu'à saturation, jusqu'à ce que les beats techno lui sortent par les yeux. Il s'en va dès lors chercher du côté de la musique contemporaine (Gorecki et Steve Reich en tête) et des compositeurs classiques.

Ainsi mixait Zarathoustra

Il signe ses premiers titres sous le pseudo d'Aleph (en probable référence à la nouvelle homonyme de l'argentin Jorge Luis Borges, ou à la première lettre de l'alphabet hébraïque). Après quelques tentatives jungle, ses expérimentations atteignent leur point d'orgue en 1996 sur la compilation SourceLab 3, avec le morceau Symphony of Sickness. Les rythmiques abstract y entament un pas de deux avec des boucles samplées hypnotiques, martelées de beats fracassants. Quelques morceaux et pseudos plus tard, on le retrouve pour son premier choc discographique au début de l'année 2000. Caché derrière le patronyme de Zend Avesta (terme désignant l'ensemble des textes écrits par Zarathoustra), Arnaud Rebotini signe Organique, un opus assez éloigné de ses premières amours sonores, en dépit d'incontournables échos new wave. L'ambiance est à la pop sombre et baroque, des membres de l'Orchestre National de Paris et de Montpellier signent les parties cordes et vents sur la plupart des morceaux ; et le musicien profite du rattachement du label Artefact à Barclay pour faire appel à une cohorte d'artistes prestigieux. Roya Arab (la voix cristalline du Londinium d'Archive) sur À la manière, Hafdis Huld (ex membre de Gus Gus, à présent chanteuse de Gang Bang) sur le splendide One of these days, Philippe Poirier, ex Kat Onoma qui reprendra son Qu'est-ce qui m'a pris comme titre de son dernier (et chaudement recommandé) album, ou enfin un Alain Bashung récitant deux poèmes de Jean Tardieu sur Mortel battement / Nocturne. Parallèlement, Rebotini retrouve son complice Ivan Smagghe pour le premier single signé de leur duo Black Strobe, Innerstrings. Déjà, l'alliance du producteur érudit et conceptualisant et de l'oiseau de nuit chouchou des dancefloors parisiens fait des étincelles.

Rock de synthèse

En 2002 sort un deuxième maxi, Me and Madonna, assorti du morceau joliment chaotique Fitting Together. Le dessein musical du duo se dessine, il s'agirait selon ses maîtres d'œuvre d'une tentative de "rock avec synthé". Il faudra attendre leurs premiers lives pour que l'expression prenne son sens : accompagnés d'une batterie et surtout de guitares recouvrant peu à peu les beats électro, Smagghe et Rebotini s'en donnent à c(h)œur joie. Les essais seront finalement confirmés avec la sortie de l'EP Chemical Sweet Girl, dont le morceau éponyme fait la joie des amateurs les plus exigeants, aux côtés du plébiscité “Two Fairlight Remix Bitches remix” de Me and madonna. Dans la foulée, Black Strobe sera contacté pour la récente compilation de remixs Depeche Mode 2004, pour se réapproprier le titre Something to do. En marge de son activité en duo, Rebotini participe à un autre album marquant, Artaud, sorti il y a quelques mois. Que ceux qui redoutent une adaptation speed-hardcore du Pèse-Nerfs ou de Pour en finir avec le jugement de Dieu se rassurent, cet Artaud-ci n'est pas Antonin mais Vincent, contrebassiste jazz déjà à l'œuvre sur Organique. Le résultat, complexe et limpide, lyrique et intime, ne dépareille pas dans une discographie déjà exemplaire. Une fois digéré toutes les facettes de cet artiste décidément hors norme, c'est peu dire qu'on attend le Dj set de Rebotini de ce vendredi avec impatience.

Arnaud Rebotini avec Jerome D, The Fly pour la soirée Electro/Choc le 25 février au George V de 1h à 5h Before avec Havoc et Human Body le 25 février au Mark XIII de 21h à 1h

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