Vogue la galère

Désengagement avéré de l’Etat en matière culturelle, coupes budgétaires : jamais un gouvernement n’aura autant mis en péril et en si peu de temps le secteur culturel et en particulier le spectacle vivant. Séverine Delrieu

À l’automne, Nicolas Sarkozy adressa à Mme Albanel une lettre de mission alignant des directives au non-sens absolu (réduction de la valeur de l’art à des chiffres, discours sur l’offre et la demande). En décembre, la Ministre de la Culture et de la Communication annonce des coupes budgétaires conséquentes. 6% en direction des institutions et compagnies, restrictions qui touchent directement création et diffusion. Colères et contestations du milieu du spectacle vivant ne se sont pas fait attendre. Finalement, une rallonge de 35 millions d’euros sera annoncée pour calmer les foudres du milieu. Le budget 2008 sera équivalent à celui de 2007. Pas d’augmentation, malgré l’inflation. De plus, ces crédits seront prioritairement restitués aux institutions (scènes nationales, centres chorégraphiques, centres dramatiques). Qu’en est-il des compagnies et structures indépendantes ? Malgré les annonces de la Ministre, qui se veut rassurante à leur égard, elles seront pourtant les premières touchées. Des compagnies ont déjà reçu de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) des notifications de suppression de leur subvention (lire article en page 12). Mais le Ministère avance l’argument que grâce aux coproductions, et résidences, les moyens reviendront aux compagnies… En réalité cette redistribution ne sera que partielle, les équipements, on le sait, ayant des frais de fonctionnement importants. Enfin, les suppressions pures et simples de certains crédits touchent l’action culturelle, le travail en direction des publics, l’éducation artistique et toutes les initiatives artistiques ancrées dans les territoires ruraux. Toutes les scènes, conventionnées ou non, seront touchées par ces choix politiques et idéologiques. Autant dire que le Ministère touche au cœur de ce qui permet une véritable démocratisation culturelle. Ce désengagement du service public dans le domaine de l’action culturelle accentuera la culture à deux vitesses. Manque de lisibilité et de clarté, contradictions entre annonces et réalités du terrain, que cherche le gouvernement ?Reculer un peu, pour mieux casser aprèsEn janvier, la Ministre propose les Entretiens de Valois, sorte de “Grenelle de la Culture”, afin de calmer les justes inquiétudes du milieu du spectacle vivant. Ils débuteront finalement le 11 février. Ce jour-là étaient conviés représentants des collectivités territoriales, représentants des syndicats d’employeurs et d’employés, personnalités qualifiées… Réunis autour de cinq axes principaux (rôle de l’État et des collectivités locales dans le financement, état de la création et de la diffusion, éducation artistique, formation, européanisation...). Des consultations qui devraient se poursuivre jusque mi-juin afin d’aboutir à des objectifs communs pour 2009. Car si en 2008 la casse fut limitée, l’État ayant pris ici pour remettre ailleurs, qu’en sera-t-il pour les années à venir ? Quel est en effet le réel enjeu de ces “États généraux” ? Pour Jean-Claude Parent, président par intérim du SYNAVI (Syndicat National des Arts Vivants), présent lors de cette première journée rue de Valois : «Ces entretiens sont un prétexte pour la révision du mécanisme de rapport entre la profession et l’État, ils exacerbent les ambitions inter-professionnelles, et permettent de faire attendre les grandes décisions qui sont en train de se préparer, c’est-à-dire le désengagement des DRAC, donc le renforcement du pouvoir du préfet, et peut-être l’affiliation du Ministère à d’autres Ministères. On sent bien que la Ministre attend qu’on la soutienne là-dedans, et nous avons encore moins d’illusions en sortant de ces ateliers que nous en avions en y entrant». En effet, ces Entretiens de Valois ne vont-ils pas permettre à l’Etat de valider son désengagement ?Démantèlement culturelLa Ministre tente de convaincre que l’État ne se désengagera pas puisque «il investit massivement dans le financement de nouveaux équipements» – toujours coûteux en fonctionnement et vitrines municipales. Toujours dans son discours d’introduction de cette première journée des Entretiens, Mme Albanel parle de «la fin d’un cycle», et s’en remet aux différentes collectivités pour mener à bien les politiques culturelles. L’État définit donc son périmètre : il concentre l’essentiel de ses finances dans l’investissement d’équipements et dotent particulièrement les institutions parisiennes. Qu’en est-il de la vision d’une politique culturelle pertinente à l’échelle nationale pour harmoniser les territoires ? Où est la place de l’artiste et de la création ? De plus, au-delà du spectacle vivant, c’est l’ensemble du secteur culturel indépendant qui est touché : du cinéma à l’audiovisuel, diverses mesures en cours touchent au fondement d’une politique culturelle de service publique. Et si l’État s’en remet aux collectivités régionales, départementales, et municipales pour élaborer des politiques culturelles, comment ces dernières pourront-elles travailler avec la politique nationale ? Dans quelles mesures leurs choix de politiques locales ne sont-ils pas conditionnés par la politique nationale ? À l’heure des campagnes Municipales, il sera pour le moins intéressant d’entendre les positions des candidats face à cette problématique nationale.

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