Jérôme Safar 7e de liste Grenoble 2008 (PS, MODEM, PC...)

Quelles seraient vos priorités en termes de développements culturels une fois élu ?

Aujourd’hui je pense à l’enseignement artistique, à la lecture publique dans la mesure où il faut sûrement repenser tout le réseau, non plus à l’échelle des quartiers mais à celle des secteurs, et en matière de spectacle vivant sans doute le théâtre. Ce sont trois grandes priorités que je vois comme ça, sur une politique culturelle de début de prochain mandat, sachant que c’est une politique extrêmement évolutive où souvent vérité du début n’est plus celle de la fin. En quatrième point, plus à l’échelle de l’agglo parce que la Ville de Grenoble seule ne pourra pas financer en investissement ni même en fonctionnement, l’existence d’un équipement de type Zénith, mais en cohérence avec ceux existants – en particulier la future salle de musiques amplifiées sur le site Bouchayer-Viallet. Sur le théâtre, sans doute redonner une lisibilité à l’ensemble du réseau, avec une priorité : après les deux ou trois ans de gestion directe du Théâtre de Création, voir comment on gère la passation de gestion (et non pas de pouvoir) soit à une équipe, une compagnie ou un metteur en scène, afin qu’il redevienne un lieu géré par de l’associatif ou un artiste. Réfléchir aussi à l’évolution de l’existant sur les théâtres, avec Ste-Marie-d’en-Bas, le 145, pour voir avec les équipes présentes si elles veulent continuer ou pas, mais aussi avec la Ville pour voir ce qu’on peut faire en termes d’évolution de ces équipements, avec cette question lancinante de Ste-Marie de savoir si ce lieu accueille plus (ou pas) de théâtre et dans quelles conditions. Faire un point sur le Théâtre Municipal, qui après une saison délicate semble quand même trouver aujourd'hui une vitesse de croisière intéressante. Puis voir avec la MC2 et en particulier le CDNA quel rôle joue Jacques Osinski aujourd’hui en direction des compagnies de théâtre locales, un rôle peut-être pas assez joué par le CDN ces dernières années. Voilà les pistes qui me paraissent les plus importantes aujourd’hui.

Comment envisagez-vous un équilibre financier entre institutions et structures indépendantes ?

Le constat que je fais, c’est qu’on a des institutions, contrairement à ce qu’il se dit sur Grenoble, qui sont sous dotées financièrement. Quand vous avez le budget de la Maison de la Culture, avec ses missions, que vous le comparez avec les budgets de scènes nationales un peu équivalentes en France, vous voyez qu’on n’a pas un budget équivalent à Rennes, en région parisienne ou même à Lyon. On a d’autres équipes aujourd’hui qui relèvent des institutions, comme les Musiciens du Louvre Grenoble, qui sont très nettement sous dotées financièrement, non pas parce qu’on n’a pas mis l’argent nécessaire, mais parce qu’on a développé par exemple l’Atelier des Musiciens du Louvre avec des missions nouvelles, et que l’état des financements publics à l’heure actuelle ne permet pas d’envisager de continuer d’avoir les deux structures avec le budget tel qu’il est aujourd’hui. Je parlais des lectures publiques, l’institution majeure en la matière ce sont les bibliothèques, qui ont aussi des problèmes financiers – qui sont plus liés à des évolutions réglementaires de type évolution de la Dotation Globale de Décentralisation, en baisse voire vouée à disparaître, le fait que l’État ne mette plus à disposition des conservateurs pour les bibliothèques, autant d’éléments qui vont avoir des coûts assez importants pour les collectivités – et la Ville de Grenoble ne sera pas la seule à devoir gérer ce genre de problèmes. Pour ce qui est des musées, le Muséum aurait besoin je pense aussi d’une nette valorisation sur le mandat qui vient, en fonction du travail fait en direction des scolaires notamment. Après, de toute façon, très sincèrement, aborder la question en termes de pourcentage d’équilibre n’est pas une solution satisfaisante. Déjà parce que les pourcentages se manipulent, et permettent de faire passer des augmentations qui n’en sont pas. En revanche, il faudrait voir comment les collectivités pourraient plus abonder dans des secteurs de la ville où il y a des équipes à l’œuvre telles que Cultur’Act à Mistral, Stud, le projet Bouchayer-Viallet. Il y a aussi la question qu’on ne traite pas souvent qui est celle de la taille des institutions dont on parle. Il y a quand même une différence entre la MC2 et l’Espace 600. Ce dernier est un espace structurant, reconnu, une scène régionale qui mérite sans doute de la part de la région et de la ville un effort financier continu, qui est déjà existant, mais il ne faut pas relâcher la tension. Très sincèrement, le débat qui consisterait à opposer un peu simplement les équipes institutionnelles, les grandes institutions ou les scènes conventionnées au reste est un débat qui me paraît plus mener à une impasse qu’autre chose. Par contre, demander à ces mêmes institutions, en fonction des moyens supplémentaires et donc de nouvelles missions qu’on pourrait leur donner, d’avoir un regard beaucoup plus attentif à ce qu’il se passe localement, ça me semble une voie impérative à suivre. Ça peut se discuter, mais ça peut permettre de mesurer l’impact de l’argent que les collectivités mettent sur la table, que l’argent ne soit pas perçu comme une simple dépense de rayonnement ou de prestige. Ça l’est, je ne me cache pas derrière la forêt, mais il faut aussi qu’il y ait un impact local et que les artistes qui travaillent et vivent à Grenoble puissent en profiter. C’est une façon d’aborder le dossier moins frontale, et moins susceptible de créer des blocages plus ou moins définitifs entre les institutions et les autres. Je n’aurais pas répondu ça il y a deux ou trois ans, j’aurais été plus net dans ma réponse, voire totalement binaire. Il faut veiller aussi à ce que tous les moyens nouveaux n’aillent pas que sur les institutions. C’est très clair, parce que si c’était ça l’évolution budgétaire, il y aurait un déséquilibre qui serait très mal et très vite perçu. Par les acteurs, mais aussi par les publics. Ils voient comment les établissements vivent. D’où la réflexion sur l’ADAEP-Stud depuis un an en mairie. Quand la Direction des Affaires Culturelles décide de multiplier l’aide par huit et demie, c’est qu’on pense qu’il y a une complémentarité et qu’elle est importante. Je pense aussi que c’est intéressant pour des équipes de travailler avec des institutions, avec leur professionnalisme mais aussi leurs lourdeurs, administratives notamment. Ça permet de démythifier les notions dans les deux sens, de sortir des fantasmes qui sont souvent exposés. C’est quelque chose qu’il faut qu’on arrive à faire faire, et non pas le faire nous-mêmes. Le travail qu’on a fait, c’est de retoiletter les cahiers des charges des institutions à chaque fois que celles-ci demandaient une augmentation de moyens, ou quand les conventions se renouvelaient. Il faut profiter de ces moments pour ne pas se contenter de reconduire, mais bien redéfinir les attentes de l’institution. Il y a peut-être eu une dérive à Grenoble depuis une dizaine d’années, où l’on était rentré dans une logique d’abord financière avant d’être sur une logique de définition de mission. Depuis trois ans on a totalement inversé cette logique. Des dossiers comme le CDN, le CNAC nous ont permis de reprendre un peu les choses.

Comment composer une politique culturelle viable avec les baisses de budget en vigueur depuis cette année ?

That is the question. C’est une vraie inquiétude. On va avoir je pense encore un an ou deux où les collectivités vont pouvoir plus ou moins amortir le choc, entre la Ville, le Département et la Région. Mais je ne vois pas comment on va s’en sortir en 2010 si la logique actuelle continue. Et je n’ai aucun signe qui me dise que c’est juste une mauvaise année à passer. Ce serait plutôt le contraire, même s’il y a eu des recadrages dans l’urgence – mais il ne faut pas se leurrer, c’était mois de mars oblige. Je pense que c’est une première marche dans le sens de l’abandon de l’État, très nettement. Ce qu’on voit, ce sont des fonctionnaires de l’État en condition de souffrance par rapport aux collectivités pour aborder les dossiers, et en plus une incapacité à nous projeter sur des développements de politique culturelle avec l’État. Aujourd’hui, tout ce qui serait développement de nouveaux équipements ou projets intéressants avec des acteurs, pertinemment, on est en train d’intégrer qu’on va être obligé de faire sans l’État. Et ça, c’est totalement nouveau. La deuxième dérive que je crains, pas trop ici parce que le Département est présent et que la Région monte en puissance aussi, c’est un risque de bunkérisation des collectivités les unes par rapport aux autres. J’espère que ça déclenchera une réflexion sur l’agglo grenobloise, sur la nécessité de prendre en charge peut-être pas LA compétence culturelle, mais une partie non négligeable. Je pense que pour le prochain mandat, si l’agglo reste autant morcelée en termes de responsabilités de politiques culturelles, territoire par territoire, ça peut créer typiquement des tensions extrêmement fortes.

Une politique culturelle d’agglomération à part entière est-elle envisageable ?

Dire “l’agglo prend la compétence culturelle“, comme ça, je n’y crois pas. Mais il y a des pistes inévitables aujourd’hui : d’abord parce qu’il y a des charges de centralité, qu’y compris la Ville ne pourra pas assumer, peut-être que le département nous dira un jour “bon écoutez, il manque un interlocuteur autour de la table“. Je pense que ce ne serait pas inutile d’avoir au moins une évaluation, y compris au niveau financier, pour que la Métro sache ce que ça peut vouloir dire sur les statuts des personnels, comment ça se passe, qui gère quoi, ce sont des questions quand même complexes. Je reste prudent par rapport à la réalité du local. Des municipalités qui se reconnaîtront ont du mal à aller dans ce sens-là, parce que l’artistique se fait le reflet de leur politique. Et pourtant les publics ont dépassé ce clivage-là, c’est nous qui sommes en retard par rapport aux besoins, aux pratiques et même aux demandes des publics. Il faut qu’on en retire les conséquences. La Métro a déjà des compétences sur l’enseignement supérieur, un regard sur l’université qui peuvent nous amener à partir des compétences actuelles pour voir jusqu’où on peut aller. Il faut qu’on soit modernes et contemporains, les territoires avec leurs prés carrés, ça date du début des années 70, on n’en est plus là. Il faut voir si au-delà des qualités de vie, la Métro peut contribuer à la constitution d’une identité, un élément tout aussi important en termes de vie quotidienne. Et si on va vers un équipement de type Zénith, je ne vois pas qui en dehors de la Métro a les possibilités de financer un équipement de cette taille-là. Dans le cadre d’une candidature aux Jeux Olympiques, où le volet culturel est prépondérant, c’est un équipement qui peut avoir son importance. C’est un point de vue.

Êtes-vous favorable à une plus grande ingérence du privé dans la sphère culturelle, par le biais du mécénat notamment ?

On en revient à la question des relations avec l’État. Ça dépend pour quoi : oui pour le patrimoine, la préservation, la requalification, l’achat éventuellement d’œuvres pour les musées voire les bibliothèques. En matière de spectacle vivant, je crois que ça n’intéresse pas le privé parce que c’est très compliqué, ça demanderait de développer dans les entreprises des compétences qui ne sont pas leurs missions premières. En matière d’art contemporain, on peut l’imaginer aussi. Mais ce que je vois aujourd’hui, on en a parlé par exemple pour une institution comme les Musiciens du Louvre Grenoble, qui est une structure qui pourrait attirer du mécénat sans trop de difficultés – elle est assez identifiée, il n’y aurait aucun problème en termes d’image. Mais même dans ce cas-là, ce n’est pas évident. Ça demanderait la mise en place d’un organisation assez forte au niveau des structures – il faudrait trouver les personnes qui pourraient démarcher les entreprises, vendre un projet, ce qui est ardu. Ça passe peut-être par la mise en place d’un dispositif qui permette à la ville d’accompagner des équipes, mais c’est compliqué. Et je ne sens pas un vent nouveau se lever du côté des entreprises, sauf encore une fois pour le patrimoine, ça les intéresse. Sur la Tour Perret, on travaille depuis un an sur comment aborder le projet avec des fonds privés. Parler de patrimoine, de requalification à une entreprise ça passe, mais dès qu’on commence à parler de théâtre, de danse contemporaine, d’art contemporain, il y a déjà plus de difficultés. Un an en arrière vous étiez pourtant beaucoup plus enthousiaste sur cette éventualité… Je pensais que ça déclencherait plus d’opportunités. C’est peut-être dans la culture française. On a eu plusieurs réunions avec des associations qui gèrent ça. On se rend compte déjà que le mécénat culturel va sur des projets parisiens en priorité – faut pas se mentir -, sur de gros projets prestigieux. Dès qu’on arrive en Province sur des propositions plus modestes, ça devient compliqué. On pensait que la nouvelle loi allait susciter de l’intérêt, mais elle souffre d’un manque de lisibilité, et surtout, il y a la trouille qu’a engendrée l’épisode des intermittents. Je ne suis pas moins enthousiaste, mais plutôt moins optimiste.

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