«La beauté de l'éphémère»

Éduqué aux sons de François de Roubaix et désormais passionné de R’n’B américain, compositeur d’une des plus belles mélodies de la décennie (La Ritournelle) de retour avec un album “variété“ qui sent bon la pop synthétique des années 80 et le sable chaud (Sexuality), Sébastien Tellier est un artiste à part, et sans doute le candidat le plus improbable jamais choisi pour représenter la France à l’Eurovision. Damien Grimbert

«J’essaye d’incarner ma musique, d’en être le meilleur représentant possible. Avant, quand je parlais de politique avec Politics, j’étais prêt à sortir de grandes théories sur le monde, sur la façon d’organiser la société… Et maintenant que j’ai fait Sexuality, je ne parle plus du tout de tout ça, je parle uniquement de comment j’aime faire l’amour, quel disque je mets quand je fais l’amour…». Tout Sébastien Tellier ou presque est résumé dans cette phrase : un parti pris que d’aucuns jugeront débile, voire choquant, et en même tant une démarche logique et sereinement assumée, on dirait presque sincère.
Repéré par le public spécialisé dès son premier album en 2001, L’incroyable vérité, Sébastien Tellier va surtout gagner en reconnaissance avec le suivant, Politics (2004), vaste exploration du champ des possibles de la pop portée par une science certaine de la composition, qu’il partage avec ses camarades de label de Record Makers, Air, Turzi, ou Kavinsky.Un album surtout porté par ce qu’il définit lui-même comme «une sorte de hit underground», La Ritournelle, joyau pop lyrique et mélancolique à la fois qui va faire le tour de la planète.
Après Sessions en 2006, qui réunissait versions acoustiques de ses anciens morceaux et reprise de Christophe, et la participation à plusieurs bandes-son de films pas forcément transcendantes (Narco, Steak…) Tellier revient donc en 2008 avec un nouvel opus qui achève de brouiller les pistes, Sexuality, qu’il définit comme «son Starship Troopers».Explications.«Sexuality, c’est mon Starship Troopers»
«Paul Verhoeven, c’est un réalisateur que j’adore. Ce que j’aime chez lui, c’est que justement, il a commencé avec une période hyper underground, avec des films comme Turkish Delights, et puis, au fur et à mesure, de films en films, il a gardé le même message, mais en s’ouvrant de plus en plus au grand public, avec en point d’orgue Starship Troopers.
Et moi, c’est ce que j’aimerais bien faire, que mes albums soient de plus en plus faciles à écouter, à consommer, mais qu’en même temps, le message soit toujours la.
Ensuite, c’est vrai que Starship Troopers est, au final, assez incompris, et peut être que Sexuality le sera aussi, parce qu’il est quand même bourré de codes, de références, et de clins d’œil. Mais c’est justement là le talent de Verhoeven aussi, d’être toujours à mi-chemin entre deux trucs… C’est ça, chez moi qui crée la fascination».
Cette obsession pour le grand public, les tubes, la musique «facilement consommable», Tellier la partage avec un nombre non négligeable de ses contemporains, issus comme lui de cultures plus underground : «J’ai fait le chemin inverse de beaucoup de gens, j’ai mis très longtemps à comprendre l’intérêt de la pop, à réaliser que c’était bien. En tant que musicien, c’est un exercice supplémentaire, il faut que le message puisse passer en 3, 4 minutes, on n’a pas comme les Floyd, 20 minutes pour dévoiler tout le propos, et s’exprimer…
Moi j’aime bien finalement, quand il y a des difficultés, j’aime bien me forcer à faire des choses que je ne sais pas faire…». Mélancolie vs R’n’B
Derrière toute cette revendication pop clinquante, le glamour glacé, la production d’un album partagée entre la moitié de Daft Punk (Guy-Manuel de Homem-Christo) et un auteur de bandes-son pour Marc Dorcel (Eric Chédeville) se cache cependant en filigrane, on ne se refait pas, une certaine tristesse, qui ne demande qu’à resurgir au moment opportun.
Trop plein d’émotions ? «Même quand j’essaie de faire quelque chose de joyeux, ma musique est toujours teintée de nostalgie, sans doute parce que j’ai puisé mon inspiration, comme beaucoup, dans mes premières fois, mes premiers souvenirs sur la plage de Biarritz, mes premières peines, mes premières clopes…
Et puis une musique qui ne serait tournée que vers le présent, ou même le futur, manquerait selon moi d’assise, et d’une certaine façon de noblesse, elle serait un peu stérile. Pour moi, une musique, ça doit imaginer l’avenir, ça doit s’écouter au présent, mais ça ne doit aussi pas oublier le passé.
En même temps, pour Sexuality, je voulais utiliser ce que j’appelle “la beauté de l’éphémère”, un truc qui puisse être consommable, là, tout de suite, et qui dans 5 ans, n’a plus de sens. Bien sûr, la musique la plus respectable, c’est la musique intemporelle, mais après, ça devient aussi une sorte de facilité…
Ce qui est intéressant aussi, c’est d’essayer de faire avancer le son, de faire évoluer la production, et de découvrir de nouvelles émotions, même si elles ne dureront que 3 semaines… C’est pour ça que je suis tellement passionné par le R’n’B américain.
Si tu prends le folk, par exemple, il y a toujours de très bons disques qui sortent, mais ils ne font plus évoluer la folk. Alors qu’avec le R’n’B, comme c’est un style tributaire de la technologie, il y a toujours un nouveau gimmick, un nouveau rythme…».Sébastien Tellier + Rien. jeu 13 mars, à la Maison de la Musique (Meylan)
Album : “Sexuality” (Record Makers)

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