Sept ans de réflexions

La nouvelle édition du festival Vues d’en Face, festival international du film gay et lesbien de Grenoble, reste fidèle à sa ligne éditoriale : offrir un panorama mondial éclectique des représentations cinématographiques de l’homosexualité. FC

On aura vu le festival naître, grandir, s’imposer avec une logique irréfutable au cœur du paysage culturel local. La reconnaissance de Vues d’en Face, à l’inverse du local pour l’association, ne fut guère difficile à obtenir. Le public a rapidement répondu présent, légitimement aguiché par des programmations riches en films peu voire pas diffusés. Chaque année, c’est un état des lieux éminemment représentatif de la représentation de l’homosexualité au cinéma qui se dresse : par un choix d’œuvres on ne peut plus récentes, en provenance de quasiment tous les continents (avec cette année en particulier un focus sur l’Asie, dont on ne se plaindra bien évidemment pas). Bien sûr, on pourra toujours chipoter sur la pertinence du choix de certains films, ou remarquer des redondances thématiques d’année en année. Mais déjà, c’est le propre d’un comité de sélection désireux de représenter toutes les sensibilités artistiques, et pour un événement se faisant fort d’aligner une vingtaine de longs-métrages (avec une très haute proportion d’inédits) chaque année, les dommages collatéraux sont bien moindre, et sont atténués par la foi et l’enthousiasme indécrottables de ses émérites maîtres d’œuvre.

Un beau cru

Le festival démarrera donc sa septième édition avec un simili tour de force : la projection de Spider Lilies du taïwanais Zero Chou, une œuvre qui pourrait littéralement condenser à elle seule les atours de cette nouvelle mouture de la manifestation – sur un canevas rebattu (une passion entre deux jeunes femmes qui se sont déjà croisées dans leur jeunesse), le film enchaîne les détournements visuels et sensoriels pour mieux confondre le spectateur. Une virtuosité formelle et narrative qu’on retrouvera de façon plus diffuse mais tout aussi efficace dans le très beau film de clôture, Riparo de l’italien Marco Simon Puccioni, où deux amantes voient leur quotidien violemment bousculé par l’arrivée dans leur vie d’un jeune immigré clandestin. Mais entre ces deux parenthèses enchantées, la fiction se sera vue triturée dans tous les sens. On aura oscillé de la production fastueuse et suggestive (l’émouvant film culte sud-coréen Le roi et le clown de Lee Jun-ik) au film le plus expérimental (le joliment abscons Combat de Patrick Carpentier), on aura fait un détour par le jubilatoire versant québécois du Dogme 95 de Lars Von Trier (avec Lonely Child de Pascal Robitaille), on sera resté circonspect face aux interrogations d’un Jacques Nolot vieillissant dans son Avant que j’oublie. Et last but not least, on aura vécu une séance de minuit (enfin presque, dans les horaires grenoblois, rappelons que les séances de minuit ont lieu à 22h) mémorable grâce au paroxystique Another gay movie, parodie trash des teen movies américains des 20 dernières années, qui nous rappelle avec fort peu de délicatesse à quel point le mauvais goût peut être salvateur et cathartique, surtout quand il s’apprécie à plusieurs.

Enquêtes d’identité

Les documentaires présentés s’attellent quant à eux à des problématiques récurrentes dans la programmation du festival, tournant autour des questions de reconnaissance, de luttes sociales, de juxtaposition de l’histoire officielle aux destinées individuelles des intervenants. Le très rêche L’ordre des morts aborde la question des Intersexes et des transsexuels, expose (parfois de façon roborative) les scandaleuses exceptions médicales et législatives françaises en la matière. Une somme de témoignages bouleversants, tristes constats d’une réalité niant l’existence même de ces individus condamnés à souffrir dans leur chair, à demeurer des objets d’incompréhension hostile. La politique du cœur de Nancy Nicol se situe à l’autre extrémité émotionnelle : ce portrait de quinze années de lutte pour l’acceptation de l’homo-parentalité au Québec brille de la formidable et généreuse empathie que ne manquent pas de développer les judicieux partis pris de mise en scène comme ses extraordinaires intervenants. Ajoutons à ce torrent d’éloges notre féroce curiosité quant à la dizaine de longs-métrages qui nous a échappé, à la sélection de courts-métrages, l’attente extatique suscitée par l’annonce des venues de Maria de Medeiros et du metteur en scène Marco Simon Puccioni (pour Riparo), de Cynthia et Mélissa Arra (réalisatrices de L’ordre des mots) et même de ce sacré briscard de Jacques Nolot, et vous obtenez une édition 2008 carrément recommandable.

Vues d’en face, festival International du Film Gay et Lesbien de Grenoble. Du 8 au 15 avril, au Cinéma Le Club

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