Mettre en scène le réel

Les deux documentaires de Nino Kirtradzé, réalisatrice née en 68 à Tbilissi en Géorgie, fascinent et touchent par la force des sujets choisis et l’originalité de la réalisation. Un dragon dans les eaux pures du Caucase, sorti en 2005, narre la résistance d’un village secoué par l’installation d’un oléoduc au milieu de leurs champs. D’un côté la compagnie britannique BP en charge du projet, soutenu par l’Etat géorgien et les Etats-Unis, de l’autre, des villageois en colère et exigeants des garanties sur la sécurité des installations et bataillant pour obtenir un prix décent pour l’achat de leurs terres. Un va et vient entre les deux univers s’amorce, parfaitement relayé par une caméra balayant les deux mondes avec une sensation de flottement. Cet effet délivre une impression d’irréalité, comme si la réalisatrice était partout, entendait tout. A ce titre, le travail de son s’avère remarquable. Nino Kirtadzé offre avant tout une histoire humaine : même distance quand elle filme les villageois, le manager, ou les membres de l’Etat, même si l’on sent là ou elle se situe. Ce résultat est le fruit d’un travail dramaturgique et de mise en scène important. A partir de faits réels, elle réussit à créer un dynamique, une sorte d’attente similaire à de la fiction. Dites à mes amis que je suis mort, film racontant la place réservée aux morts dans la société géorgienne actuelle, se voit ou s’écoute –au-delà du sujet passionnant – comme une musique lancinante, une chorégraphies des corps et des images. La réalisatrice, s’y octroie une place étonnante : très proche des personnes (de leurs visages, expressions, corps, habitations) et à la fois lointaine, pudique (avec des plans larges, des vues qui se détournent), comme pour se garder de tout jugement. Car tout est démesure, donc surprenant, déroutant pour nos yeux lorsque la mort frappe dans cette culture : déferlements d’émotions, extériorations chantées, préparatifs inouïs, rites invraisemblables, cimetières regorgeant de portraits de morts, famille hurlant de douleur, cadavre montré à la télévision, des excès aussi puissants, poétiques que drôles. SDDîtes à mes amis que je suis mort le 14 mai à 20h30 au 102Un dragon dans les eaux pures du Caucase le 15 mai à 20h30 au 102

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