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Animal frère
Par Laetitia Giry
Publié Mercredi 28 mai 2008 - 2984 lectures
Hors système et flanqué de son crew, Fantazio perfomer vocal intense, poète, contrebassiste fugitif, navigue de port en port depuis The sweet little mother fucking’ show explosant lors d’interventions scéniques percutantes ses morceaux techno, punk, cuivrés, comptines, râles, déraillements, suintements… Propos recueillis par Séverine Delrieu
Fantazio : On ne répète pas forcément beaucoup, on part d’improvisations, et la moitié des morceaux naissent, se tissent et se construisent petit à petit dans le temps. D’ailleurs, on a commencé à enregistrer un nouveau disque (le premier autoproduit The sweet little mother fucking’ show est sorti en 2005 NDLR) il y a six mois, et ça prendra encore six mois. On n’arrive pas en studio avec des morceaux déjà prêts, il y a toujours une inconnue. Il n’y a que comme cela que je peux bosser, avec des surprises comme dans une journée de la vie normale. On n’enregistre pas des choses figées, il y a toujours une marge de doute.Ton prochain album sera t-il à nouveau autoproduit, sortira t-il dans un réseau de diffusion alternatif type Co-errances ?
Co-errances n’existe plus. Ils étaient très fragiles et ont fait faillite. Par contre, signer avec une major c’est clair : jamais de la vie. C’est même pas par militantisme, mais parce que cela engage des rapports hiérarchiques avec des gens qu’on ne connaît pas, qu’on ne croise pas et qui bosse dans des bureaux pour toi…Et qui n’ont pas forcément une motivation ou une curiosité à faire cela. Après, y a les petits labels. Moi je suis partant. Mais a priori en France, je n’en connais pas tellement qui ont un fonctionnement qui m’intéresse. Je crois que ce sont souvent de faux labels indépendants. Comme par exemple le label des Têtes Raides, ce n’est pas si familial que cela, le fonctionnement n’est pas si éloigné des majors. Pour le premier album, on avait vraiment fait le choix qu’il ne serait pas dans les Fnac, on le trouvait dans les librairies et disquaires indépendants. Mais c’est un grand débat. On peut dire que c’est élitiste de vendre dans ce type de lieux. Donc, pour le deuxième, on va a priori signer un contrat seulement de distribution, le reste sera autoproduit, sans label, sans aucune marge de manœuvre imposée, c’est ce qui explique aussi que l’on prend notre temps pour le faire.Cette conception explique que tu aies participé au Festival de Ménilmontant impliqué dans la production de disque via un commerce équitable. Tu disais qu’il n’y a pas de militantisme, mais en même temps tu poses des actes de résistance ?
Carrément. C’est comme le choix de jouer un peu partout et pas que dans des salles standards, pas forcément que dans des festivals, d’ailleurs on en fait très peu car je me sens pas forcément à l’aise dans les festivals. De toute façon, à force de le dire, ils ne nous appellent plus. Tout cela contribue à une volonté large de résistance, mais une résistance teintée de doutes. Le doute, le fait d’opérer des transformations, des changements de points de vue, c’est important, je me méfie de mes propres discours même ceux sur les résistances. Après, le projet de commerce équitable, je ne sais pas trop. Je crois que cela prendra du sens petit à petit, c’est une bonne amorce d’idées le disque fait main, mais cela veut dire que tu en fais moins, et que tu as du temps.Tes mots s’échappent à travers pleins de personnages et la mise en scène change à chaque fois.
Pendant plusieurs années, je vivais un truc, peut-être maladif, qui était d’être envahi dans ma tête par plusieurs voix. C’était une chose qui me posait problème. J’étais envahi par des voix, des dialogues qui n’étaient pas forcément ceux de gens croisés dans la journée. Plongé dans un état de somnolence, mon activité mentale était très animée, cela devenait limite oppressant. Petit à petit, en jouant, des choses sont sorties sans que je ne m’en rende compte, et qui m’ont fait du bien. Et surtout pendant longtemps, j’ai joué seul. Donc j’étais à la fois libre et très limité. J’avais la contrebasse et je chantais, mais pas avec ma voix, je me cachais derrière d’autres voix. Après, y a le plaisir des accents. Ma mère vient d’Argentine. Je suis très touché pas les accents en général, que ce soit ceux des langues que je parle, autant que ceux des langues que je ne parle pas. Quand j’arrive dans un pays dans lequel je ne comprends pas la langue, ce qui me frappe, ce sont les rythmes, les intonations.
Je crois que ce qui nous construit ce n’est pas ce que l’on apprend, mais ces choses qui sont comme des handicaps. Ces handicaps peuvent faire naître des choses. Lorsque je joue, chante, c’est lié avec l’état de la journée, avec ce que j’ai vécu. Si je ne faisais pas le lien avec la vie réelle et le moment du concert, je ne comprendrais pas pourquoi il faudrait jouer. On n’est plus dans des sociétés primitives, traditionnelles, ou faire de la musique était liée à un élément social précis. Quand je chante, c’est toujours relié avec la vie. C’est comme quand tu croises une personne et tu lui racontes une histoire d’une certaine manière, puis tu en rencontres une autre et tu la lui racontes aussi, mais en changeant de point de vue. Quand je chante, c’est pareil, cela dépend de mon état. C’est un plaisir de raconter ces histoires d’un jour à l’autre autrement. Des fois je mets en avant un truc souffreteux, des fois un truc joyeux.Y aura-t-il ce foisonnement dans ton prochain album, ce mélange de punk, de musiques balkaniques, imprégnation de déambulations, circulations…
Ce sera un mélange de petites ritournelles sauvages non datées, et sans style avec des morceaux qui feront oui penser à des styles musicaux. Du punk, c’est sûr car c’est une énergie essentielle pour moi et pas simplement sur le plan musical, mais aussi sur tout l’aspect social qu’il a véhiculé. La période particulière du punk entre 80 et 89, j’en suis toujours imprégné. Je trouve que cela manque aujourd’hui quelque chose qui ressemblerait à du punk.
Au début du mouvement punk en Angleterre, les gens étaient autonomes, ils organisaient des concerts de manière spontanée et des fêtes sans prévenir personne. C’était une recherche de rituel, peut-être maladroit, mais important. Sur le disque on retrouvera ce foisonnement et des coïncidences entre les différents sons.Concernant tous les aspects de ta personnalité et de ta musique, être libre semble une nécessité…
Oui, mais toute liberté peut se refermer. Il me semble que la liberté est en chacun de nous, mais on se l’autorise par moments. Le mot est vaste. Tout ce truc par rapport à 68, on en fait tout un plat, ce mouvement de libération… Il me semble que c’était un moment où les gens s’organisaient autrement, discutaient entre eux. Ce qui est étonnant, c’est que ces libertés se resserrent. Je trouve que les gens sont plus coincés du cul, plein de tabous. Pourtant il y a eu cette révolution sexuelle. Et pourtant, on voit que ceux qui sont libérés sexuellement sont ceux de l’UMP qui pratiquent l’échangisme. La liberté sexuelle de la gauche de l’époque a été reprise par les bons vivants de droite aujourd’hui. Etrange.Fantazio Gang jeu 5 juin à 21h30, Place St Bruno dans le cadre du Festival Quartier Libre.
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