Le silence de Lorna

De Jean-Pierre et Luc Dardenne (Fr/Belg, 1h45) avec Arta Dobroshi, Jérémie Rénier…

Lorna a obtenu la nationalité belge en épousant Claudy, héroïnomane paumé qui voit dans cette glaciale expatriée albanaise sa planche de salut. Mais Fabio, truand à l’origine du mariage blanc, veut que Lorna se débarrasse de son “époux“ afin de la jeter dans les bras d’un mafieux russe.


Encore plus que dans L’Enfant, les frères Dardenne installent ici un dispositif cinématographique à la cohérence implacable. L’apparente froideur du récit, développée au gré d’une poignée de scènes à l’impact émotionnel fracassant, se délite peu à peu pour accompagner avec justesse le revirement psychologique de leur héroïne. Les audaces de la mise en scène s’intensifient avec maîtrise, le récit se permet de (fausses) digressions et des ellipses fulgurantes, bouleversant sans cesse l’âme et le propos du film. Autant de partis pris courageux, qui trouvent leur pleine justification dans l’immédiate réception de cette œuvre coup de poing. On sort groggy de la projection, terrassé par ce lent chant du cygne d’idéaux bafoués, au nom d’une quête de simili respectabilité sociale dont chaque étape se paie le prix fort. Rarement personnage n’aura, dans l’œuvre cinématographique des frères Dardenne, autant joué avec les nerfs sensibles de l’identification, de l’empathie à double tranchant.

En termes de tension cinématographique, la filmographie de la fratrie ne cesse de gagner en efficacité visuelle et narrative, en force d’évocation. Et leurs œuvres de s’imposer comme une série de témoignages bouleversants et précieux sur les laissés-pour-compte d’un ascenseur social désespérément grippé.
François Cau

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