Parcours du combattant

État des lieux / Armé de son instrument et de sa foi indéfectible en son art, le musicien local peut-il affiner sa pratique, développer ses ambitions, accomplir le parcours rêvé ? Débuts de réponses avec ce petit tour des forces en présence. François Cau (propos recueillis par Patrice Coeytaux, Aurélien Martinez et FC)

C’est le secret le plus mal gardé de la sphère culturelle locale : Grenoble et son agglomération fourmillent de musiciens. Des amateurs sincères aux futures stars de la scène, tous les degrés de maîtrise sont représentés. «Le vivier de la scène locale a toujours existé, et au jour d’aujourd’hui, même si les grosses locomotives ont splitté ou ont vingt ans d’existence, cette scène est encore en renouvellement», précise Olivier Dahler, programmateur de la Maison de la Musique de Meylan, qui en a vu défiler bon nombre du temps du défunt Entre-Pot. Un renouvellement en quantité, mais aussi en diversité des esthétiques, qui n’est pas forcément toujours à la noce dans l’agglo. Tout le monde reconnaît unanimement le manque de studios de répétitions comme un problème majeur, et la disparition quasi totale des bars autorisant des concerts en leur sein duveteux n’a pas arrangé une donne aux allures de paysage sinistré. Mais dans le marasme généralisé du milieu musical, les artistes grenoblois peuvent cependant compter sur un landernau structurel local assez imposant pour une ville de cette importance, et sur un tissu associatif très actif en termes d’aides au développement.Une offre «proportionnelle à la demande»
Les musiciens grenoblois peuvent en effet visiter un nombre conséquent d’adresses pour parfaire leur art. La Régie 2c, un double équipement voué à une mission de service public sur cette problématique, propose un panel d’aides non négligeable. Dans ses premières phases de développement, le jeune groupe local peut ainsi trouver son bonheur à la Chaufferie. Le Ciel, quant à lui, se situe dans une ligne plus «expérimentale» d’accompagnement adaptée aux besoins du groupe et de son projet artistique, l’aide pouvant aller de trois jours (pour une répétition montée traditionnelle) à une résidence de trois-quatre ans sur des projets du type sortie d’album. La Bobine, en attendant d’être définitivement fixée sur son sort (le déménagement à l’ancien bowling grenoblois devrait avoir lieu dans un an), propose toujours des studios de répétition et d’enregistrement, se lance occasionnellement dans de la production sur des coups de cœur (pour Emzel Café, No Mad, Yoanna) et organise des apéros concerts pour les sorties d’album. Le Stud essaie vaillamment de répondre à toutes les demandes qui lui sont formulées de la part de la scène locale, tout en se focalisant plus sur de l’accompagnement que sur de la programmation stricto sensu. Les associations Dynamusic et Rocktambule se sont fixées quant à elles pour mission de soutenir ce vivier foisonnant, sur des actions de diffusion, grâce à leur festival annuel respectif en particulier, mais aussi en proposant des formations sur la communication ou la technique. Citons des initiatives telles que les tremplins locaux, notamment le dispositif C’est ma tournée, initié par le Conseil Général de l’Isère, axé sur la formation et la diffusion. Enfin, les groupes peuvent toujours tenter vaillamment de s’imposer dans la programmation d’une salle de spectacle de l’agglo.Développement durable ?
Ce tour d’horizon non exhaustif tend à rassurer sur la prise de conscience locale de l’importance de ce vaste champ des possibles artistiques. Loin d’être idyllique, ce tableau recèle quelques ombres. Un manque de formation sur la diffusion, sur les possibilités de sortir du réseau régional pour les groupes souhaitant voler de leurs propres ailes, entraînant des interrogations sur les aides publiques en la matière et accentuant la schizophrénie dévorante entre valorisation des pratiques amateurs et vraies découvertes artistiques. Autre souci, d’après Laurent Simon, directeur du Ciel, «on est dans un foisonnement d’offres qui de temps en temps ne sont pas très cohérentes entre elles. On aboutit même à des choses qui peuvent être très bien pour les groupes mais qui posent d’autres questions en termes d’évaluation des politiques publiques, c’est-à-dire un effet guichet, un groupe qui peut être aidé par une structure puis vers une autre sans que ce soit fait de façon cohérente ou concerté en amont. C’est aussi de notre faute, je pense qu’on ne fait pas suffisamment de concertation de l’ensemble des structures sur ce champ-là». Ce manque de coordination affecte également les programmations ; «se retrouver avec deux concerts d’anti folk le même soir dans deux lieux différents comme ça s’est produit l’an dernier, alors que tu as un public limité sur cette esthétique, ça a tendance à compliquer les choses», fait remarquer Bertrand Tappaz de Radio Campus. Et cela fait bien évidemment le jeu des tourneurs nationaux, qui n’hésitent pas à faire monter les enchères sur une tête d’affiche en appelant les différentes structures à tour de rôle… Des passerelles commencent à se créer, la Bobine et le Stud travaillent plus souvent de concert sur la valorisation des groupes locaux, la Maison de la Musique de Meylan et le Ciel ont collaboré sur la dernière création du groupe Settled in Motion, les structures regroupées au sein du Pôle Musical d’Innovation (Rocktambule, Dynamusic et le Stud) tendent vers la mutualisation de leurs ressources… L’émulation s’est fait attendre, mais semble bien décidée à pointer le bout de son nez. Les regards se tournent à présent vers la nouvelle salle de musiques amplifiées (dont l’ouverture aura vraisemblablement lieu en 2012), un équipement qui, s’il ne saurait répondre à toutes les attentes de la scène locale à son endroit, pourrait servir de catalyseur à différents niveaux pour une mise en commun de toutes les extraordinaires compétences concentrées dans l’agglo. On peut toujours rêver...

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