«J'ai la joie de vivre parce que j'ai goûté à la mort»

Dans "Le jour où Nina Simone a cessé de chanter", la pétillante Darina Al Joundi évoque avec humour son histoire au Liban et sa soif de liberté dans une société en proie à une guerre civile. Un des succès du Off d’Avignon 2007. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Petit Bulletin : Tout commence par un geste fort : au début de la pièce, votre personnage coupe les psalmodies du Coran lors des funérailles de son père…
C’est un des moments de fiction. Je n’ai pas pu vivre ce moment avec mon père, mettre Nina Simone et m’enfermer avec lui. Alors j’ai refait la vie grâce au théâtre. C’est l’excuse pour faire tout ce récit, pour raconter l’histoire de cette fille avec son père.

Votre texte évoque une femme libanaise qui essaie de rester libre face à l’intégrisme…
Oui, l’intégrisme social surtout. Il y a des coutumes, des règles, des lois de la société qui sont devenues plus que religieuses par le fait d’être répétées sur des générations et des générations. On voit bien que l’intégrisme n’est pas que religieux, mais aussi intellectuel, culturel, et ce dans toutes les confessions confondues. Cette femme, après avoir eu un père qui lui a enseigné la liberté absolue, sait très bien que le jour de son départ, elle va devoir en payer le prix.

Le payer dans une société pas forcément prête pour la liberté ?
J’ai eu un père qui disait : « il est interdit d’interdire » ; c’est magnifique ! C’était un homme égal à lui-même, il le disait et il le faisait. J’ai connu une guerre civile de 17 ans. Donc vivre cette liberté entourée de toute cette haine, c’est paradoxal… Je veux dire par ce texte que j’étais vivante grâce à ce père. Même entourée de la mort, j’étais encore plus vivante que la vie. C’est, je crois, ce que le public a vu jusqu’à maintenant. Ce qui reste dans leur tête, c’est le rire, c’est vivre toutes ces anecdotes avec un père exceptionnel dans une société différente. Mon père était un journaliste et écrivain très impliqué dans la politique de toute la région, d’origine syrienne, exilé, qui a survécu à un attentat, qui a fait toutes les prisons du monde arabe. Je suis née en 68, l’année de tous les changements ; mon père m’a élevée dans cette ambiance. Et je n’ai pas de regret ni de rancune contre cette éducation, au contraire, mais quand on la vit dans un pays qui n’est pas prêt, il y a le clash, le drame, et forcément un prix à payer.

Surtout en temps de guerre…
La guerre, c’est un piège, parce que comme on a tout le temps peur de la mort, on est dans l’extrémité des choses. Du coup, il y a une liberté sauvage, brutale, comme la guerre, mais ça devient aussi une façon de faire face à la mort, à la peur, les défier par la folie de la vie. J’ai la joie de vivre parce que j’ai goûté à la mort.

LE JOUR OÙ NINA SIMONE A CESSÉ DE CHANTER
le 24 octobre à la Faïencerie,
le 10 mars au Grand Angle,
le 12 mars à l’Espace 600,
le 13 mars à l’Odyssée d’Eybens

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