«Le risque et l'instant sont les moteurs du cirque»

La première promotion de la toute jeune École des arts du cirque de Tunis présente Halfaouïne à la Rampe. Un spectacle éblouissant et dépaysant, proche de l’univers de la danse contemporaine. Rencontre avec Gilles Baron, le metteur en piste de cette création à ne pas louper. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Petit Bulletin : Marie-Claude Pietragalla, Pina Bausch, Aurélie Dupont… Votre parcours a été très “danse“, et on le ressent pleinement sur scène…
Gilles Baron : Oui, c’est un appui dramaturgique très important. Dans Halfaouïne, il y a des liens très forts entres les différents arts. L’idée est ainsi de donner par le corps un champ d’expérimentation et de libérer les énergies. Depuis toujours, je fais un travail sur les arts mêlés ; même si c’est un peu galvaudé maintenant parce que l’on est très nombreux de ma génération à mélanger les arts.Néanmoins, le cirque reste le moteur principal d’Halfaouïne. En quoi est-ce un art différent des autres ?
La différence se situe au niveau de la représentation du temps. Il y a quelque chose d’immédiat, vous n’avez pas de suspension, vous devez être en réaction permanente en fonction de votre agrès. Vous êtes forcément dans l’instantanéité des choses… Pour moi, le risque et l’instant sont les moteurs pour créer dans le cirque.En étant toujours dans l’instant, comment échapper au simple enchaînement de numéros techniques ?
C’est justement l’écueil que je voulais éviter ! Pour créer des liens entre les différentes disciplines sans que ce soit juste un passage technique, il fallait simplement définir ce qu’était la matière dramaturgique de chaque agrès et de chaque technique. Ce que l’on a fait avec Halfaouïne.Vous travaillez avec la première promotion de l’École nationale des arts du cirque de Tunis. Comment avez-vous croisé son chemin ?
J’avais fait la cérémonie des jeux méditerranéens en 2001 et j’avais rencontré Mohamed Driss, le directeur du Théâtre national de Tunis, qui souhaitait former des gens du cirque. Il s’était alors retourné vers le Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne et son directeur, que je connaissais très bien, nous avait mis en relation.Les artistes sont tous débutants. Cela a-t-il changé votre façon de travailler ?
Oui, et c’est pour ça qu’on est parti sur le corps et sur cette énergie brute, immédiate, parce qu’on n’est pas tant dans le travail… enfin ça fait péjoratif ce que je dis… je veux dire qu’on est plus dans une jeunesse, dans une fougue, dans quelque chose de rapide, d’immédiat. Je pense que la maîtrise et la maturité viennent forcément avec le temps ; je ne voulais pas être prétentieux dans le propos, je souhaitais que ça corresponde à cet état, à l’instant où ils en sont dans leur parcours. Je pensais que c’était la meilleure façon de les représenter.Le spectacle se déroule dans une ambiance très tunisienne, mais sans jamais verser dans un côté folklorique…
C’était un peu le danger, on voulait que ce soit représentatif sans forcément être une carte postale. Ça fait très longtemps que j’interviens dans la ville, je m’en suis inspiré : la musique omniprésente, un rapport au corps qui est étrange, une dualité très forte, le machisme… Ce sont des choses que l’on ressent quand on travaille là-bas.Il y a une scène assez forte au début, où une femme crie en tunisien. Pourquoi ne pas avoir traduit ses propos ?
Justement, je n’avais pas envie que l’on comprenne les paroles, qu’on les traduise simplement. Il y a une petite histoire qui dit que les Tunisiens s’arrêtent de parler quand les Français sont là parce que la langue est très agressive pour nous, on a toujours l’impression qu’ils s’engueulent alors que pas du tout ! Mais cette façon de parler entre eux développe une espèce de tension directe…En tant qu’artiste, quel regard portez-vous sur la Tunisie ?
Je n’ai pas voulu prendre position sur des problèmes politiques. La vocation de ce spectacle n’est pas de parler du pouvoir en place mais plutôt de montrer comment les gens ont envie de s’en sortir, ont envie d’apprendre et d’offrir leur savoir avec générosité.Pour finir, selon vous, le cirque contemporain est-il reconnu à sa juste valeur en France ?
Je pense que depuis 2001 et l’année du cirque, il y a eu un travail colossal fait dans toutes les scènes nationales pour accueillir du cirque. Après qu’il soit contemporain ou non, je ne me pose même plus la question ; je fais des spectacles vivants, et la majeure partie d’entre nous fait la même chose, on évite de se poser des problèmes.HALFAOUÏNE
mar 7 et mer 8 oct à 20h
à la Rampe (Echirolles)

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