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Historique/ Inauguré en 2003, EVE est la providence des assoiffés, des étrangers errants, des mélomanes et des nuls en informatique. Retour sur la genèse et le rôle de cet étrange bâtiment. Bernard de Vienne

Au milieu d’un bel ensemble soviétique, le bâtiment fait tache. Trop beau, trop neuf, on dirait qu’il y a maldonne, habitué qu’on est aux campus crasseux. Quand l’automne n’est pas trop moche, les étudiants viennent boire un demi en terrasse ou surfer grâce au WIFI à l’œil, et les concerts nombreux qui y sont donnés agrémentent le domaine universitaire d’une touche culturelle salutaire. Quoique ce luxe inouï nous semble aujourd’hui acquis, EVE (Espace Vie Etudiante) n’a vu le jour en 2003 qu’après bien des rebondissements. C’est au début des années 90 qu’un collectif dénommé les rEVEurs pousse les premiers pions de ce projet. Une trentaine d’associations y sont représentées et, chose rare, même les syndicats étudiants opposés politiquement y sont fédérés. «Urbanisation», c’est Pedro Olivas qui lâche le mot. Membre du collectif en tant que président de Radio Campus, il se souvient qu’on y rêvait de faire d’EVE un morceau de centre-ville. L’ampleur des ambitions des étudiants dépassait de loin le résultat connu.Une durée de gestation record
«Les rEVEurs dialoguaient avec université et Etat pour un bâtiment, mais pas exactement celui-là. On menait une réflexion sur la complémentarité d’activités, plus large, qui visait à associer les assos, un centre culturel avec scène, agora, un centre commercial... Cela reste dans ce que EVE est devenu à travers le côté convivial et commercial du bar, culturel avec la salle de concert. Mais nous imaginions aussi un resto, une librairie, un cinéma...». À l’époque, le collectif entre en contact avec des entreprises privées pour étudier la faisabilité du projet. Les retours sont bons, Mon Ciné est intéressé. «La vision que nous avions construite était un ensemble dans lequel tout cohabitait. La faisabilité était bien là». Las, le projet s’englue. Des divergences s’installent avec la communauté universitaire, qui pose les commerces le long du tramway, à 500 mètres de EVE. «Tout le monde le regrette aujourd’hui», note Pedro Olivas. «Quand les étudiants attendent un concert, ce serait bien qu’il y ait un restaurant en face plutôt que d’aller le chercher à 500 mètres. Et ça arrangerait aussi les restaurateurs. L’urbanité, ce qui donne à une zone un côté centre-ville, permettait ça». Laissé en suspens en 1997, le projet ressort des cartons en 1999. Entre-temps, les rEVEurs se sont dissous et c’est Grenoble Universités qui fait le lien avec les architectes. La mémoire des rEVEurs, ses documents et sa programmation ont été conservés, permettant à EVE d’hériter de ce travail de réflexion. Pedro Olivas, toujours actif à Radio Campus, remet alors les gants. «Le hasard a fait que j’étais toujours dans les parages et j’ai rencontré les architectes, mais je suis le seul à avoir pu le faire. Pour l’anecdote, à l’époque, la Métro - qui était maître d’ouvrage - avait oublié les prises réseau. À la fin des années 90 Internet existait déjà, on se doutait de l’importance que ça prendrait. J’avais donc demandé aux archis de mettre une vingtaine de prises réseau dans la radio, ce qui avait été accepté. Quand l’artisan est venu les poser, il a fait remarquer à la Métro qu’elles seraient toutes dans Radio Campus ! On m’a demandé s’il pouvait les disséminer». Dans le travail de programmation mené de 92 à 97, le rEVEurs ont à cœur d’éviter le «syndrome MJC : un bâtiment tellement flexible, tellement modulable, qu’il en perd son identité. On ne voulait pas que le bar soit une vulgaire cafétéria». Les architectes doivent intégrer cette ambition esthétique. «Ils ont joué le jeu, reconnaît Olivas, ça reste modulaire mais ça aurait pu être pire». Financement = sport de combat
Les travaux, financés à 50% par la Métro, durent de 2001 à 2003, année de l’inauguration. Un premier appel d’offre pour la gestion du lieu est alors remporté par EVE - la Délégation de Service Public vient de lui être réattribuée jusqu’en 2011. Olivier Royer, le directeur, était étudiant en Histoire à l’époque des rEVEurs et il en garde le souvenir d’un foisonnement intéressant. «Il y avait des gens d’archi, des urbanistes... C’était un projet culturel et architectural, des propositions concrètes étaient faites aux financeurs». Aujourd’hui en charge de 9 salariés à temps plein, d’une vingtaine de temps partiels, d’une pépinière de 120 assos et d’un budget de fonctionnement conséquent, c’est encore et toujours après les financements qu’il doit courir. Outre les subventions EVE doit compter sur ses ressources propres. «Les concerts sont à l’équilibre mais c’est l’activité journalière du bar qui finance le bâtiment», précise Royer. D’autres moyens de subsistance sont envisagés, comme la pose de panneaux solaires en 2009. «L’électricité revendue à EDF pourrait nous rapporter 2000€ par an», estime-t-il. Au delà du côté convivial, EVE revendique son ambition de service aux étudiants : l’ENE (Environnement Numérique Etudiant), qui assure la location subventionnée d’ordinateurs portables, l’accès à Internet et l’assistance informatique aux étudiants des 4 universités, en est un aspect ; mais cela passe aussi par une borne de télétransmission de la Caisse d’Allocations Familiales, ou par le rôle central qu’EVE a acquis dans l’aide administrative aux étudiants étrangers via son service API (Accueil Partage Intégration). Même si d’autres campus en France regroupent plusieurs facs, celui de Grenoble est le seul à avoir fait confiance à une association pour regrouper ce type de tâches.

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