Les chutes

À la question posée par ce couillon effarouché de Wim Wenders à propos du film La Chute d’Olivier Hirschbiegel - savoir si on pouvait humaniser Hitler sans rappeler au passage qu’il était quand même très très méchant - Alexandre Sokourov a répondu oui, trois fois oui, car c’est ce qu’il peut lui arriver de plus terrible... Dans sa trilogie sur la déliquescence du pouvoir absolu, le cinéaste russe a aboli toutes les frontières des représentations figées de ses figures historiques pour les appréhender en tant qu’êtres humains blessés, souvent pathétiques, aux dernières heures de leur règne respectif. Dans Moloch, Hitler vit reclus avec sa cour imbécile dans un château brumeux, succombe à des accès de folie sous le regard gêné de ses soldats. Dans Taureau, Lénine constate impuissant sa propre dégradation physique, tandis que les intrigues politiques se multiplient vainement autour de lui. Dans Le Soleil enfin, Hirohito, improbable geek monolithique mais bourré de tocs, concède son statut divin à un Général MacArthur amusé. Les trois films se focalisent sur un décor quasi unique, prison mentale de ceux qui se sont eux-mêmes séparés du genre humain par leurs aspirations désormais obsolètes. Les échos de la guerre se font lointains – dans Le Soleil, en dehors d’une saisissante séquence fantasmagorique, où Sokourov atteint l’apogée de son style cinématographique, on ne voit plus que les cendres d’un Japon dévasté. Dans les trois films surnage enfin l’image d‘un témoin de la décrépitude finale, qui n’ose regarder en face ce pour quoi il s’est battu : dans des dispositifs narratifs patelins, le réalisateur capte l’horrible compréhension des anciens partisans, leur funeste déclic. Dire qu’on attend la réinterprétation de cette trilogie par Guy Cassiers est un putain d’euphémisme.
FC

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