Auteur, metteur en scène et comédienne, Catherine Zambon a écrit le texte qui a servi de matériau à la Fabrique des petites utopies. Propos recueillis par AM
Petit Bulletin : Comment est né Kaïna Marseille ?
Catherine Zambon : Je me suis intéressée au sort des enfants clandestins en France, et particulièrement à ceux qui sont le moins pris en charge par les associations, à savoir les filles. Il y a très peu de filles qui arrivent de manière clandestine, mais celles qui arrivent sont rapidement repérées par des réseaux de prostitution.
Vouliez-vous livrer un message politique ?
Entre le moment où je l'ai écrit, il y a cinq ans, et la période actuelle, la tension s'est tellement resserrée autour des problèmes d'immigration qu'évidemment ce qui était déjà un propos engagé à l'époque – à savoir attirer l'attention sur le sort de toute cette partie du monde qui est en souffrance – est encore plus violent maintenant. Si je devais écrire Kaïna Marseille aujourd'hui, j'en ferais sûrement quelque chose d'encore plus dur. Donc oui, il y a un message politique, mais aussi humain, humanitaire, et surtout humaniste.
La mise en scène de Bruno Thircuir semble encore plus sombre que votre texte...
Entre l'écriture du texte et ce qu'en a fait Bruno, il y a eu une réflexion politique poussée menée par Bruno avec mon accord. Il a fait son travail d'écriture et de metteur en scène, c'est sa vision ; voilà pourquoi je lui ai demandé de mettre "d'après un texte de Catherine Zambon". J'ai vu le résultat, j'ai été bouleversée. Il est allé au-delà de mon propos, en donnant une couleur encore plus poignante, plus violente sur la misère de ces gens. Il y a dans la fin de mon texte un optimisme que Bruno a évacué. C'est un spectacle coup de poing qui a une forme de radicalité, et je préfère qu'on aille dans ce sens là plutôt qu'on l'adoucisse en nous vendant l'idée qu'en France un enfant clandestin peut s'en sortir sans problème.
Le personnage principal vient d'Afrique et part vers la France. Néanmoins, votre texte a un aspect très universel...
C'est la raison pour laquelle son pays d'origine n'est pas nommé. Je n'avais pas envie que l'on stigmatise un pays. Il ne s'agit pas de se culpabiliser mais de se questionner sur l'état de ce monde, sur le manque d'espoir de milliers d'enfants.
KAÏNA MARSEILLE
Aux éditions Actes sud junior