Un autre théâtre est possible

Alors que le vingt-et-unième siècle est à peine entamé, Bruno Thircuir, ancien collaborateur de Chantal Morel, décide d’impulser à sa jeune compagnie, La Fabrique des Petites Utopies, une série de directives fondamentales dans son approche à part du médium théâtral. Leur travail sera tourné vers l’étranger ; le but étant de se nourrir de cet ailleurs souvent intimidant, qu’il faudra dompter coûte que coûte via de multiples voyages et autres collaborations avec des auteurs et acteurs venus d’autres pays. Les moyens de diffusion seront atypiques, centrés sur l’idéal a priori désuet d’une scène itinérante, à même de transporter les créations dans les endroits les plus insolites, histoire de faire partager leurs spectacles aux laissés-pour-compte des grandes tournées internationales, et surtout d’entamer une relation plus poussée avec les publics. La rencontre de Bruno Thircuir avec son directeur technique François Gourgues sera à ce titre décisive : ce dernier donnera corps au projet de Fabrique Errante imaginée par le metteur en scène - un camion modulable, se transformant miraculeusement en théâtre ambulant. La pièce inaugurale de ce dispositif, Quichott, l’homme qui n’y était pour rien, est une relecture façon road-movie des aventures du héros créé par Cervantès, imaginée par le dramaturge algérien M’hamed Benguettaf. Le système D joue à plein, les performances des comédiens s’impriment sur un savant jeu de rétro-projections. Deux ans plus tard, pour les besoins de Juliette je zajebala Romeo, le camion se mute en un imposant Teatrum Stadium, vaste espace constellé d’agrégats métalliques reconstituant le futur post-apocalyptique imaginé par Jean-Yves Picq en pleins Balkans mortifiés. La structure redeviendra plus intime pour le diptyque (Manque et 4.48 Psychose) consacré à l’auteur britannique torturée Sarah Kane, laissant place à une chambrette déstructurée où la folie peut émerger librement, ou à une sombre cavité aux échos organiques. Les deux premières pièces de la trilogie africaine verront enfin la compagnie revenir à des formes plus lumineuses, plus généreuses dans leurs formes comme dans leur accompagnement auprès des publics, avant que le dernier volet ne signe un tragique retour à la réalité. Un projet d’une cohérence implacable, synchrone avec les présupposés de départ d’une compagnie ayant toujours à cœur d’interroger le théâtre et sa responsabilité dans le chaos du monde contemporain.
FC

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