Affirmatif

À l’occasion de la nouvelle exposition du OUI, rencontre avec Stéphane Sauzzede, directeur du lieu, pour en savoir un peu plus ce qui se cache derrière ces trois lettres. Propos recueillis par Damien Grimbert

Petit Bulletin : Tu compares la nouvelle exposition en 3 volets, à l'hibernation d'un grizzly ?
Stéphane Sauzzede : C’est vrai que cette histoire d’hibernation a particulièrement alimenté nos discussions alors que nous préparions l’exposition. Il est très difficile de chauffer OUI, et au lieu de faire comme si de rien n’était, nous avons choisi de faire une exposition qui traite du froid, de l’hiver, qui se met au rythme imposé par la saison. Bref, on a choisi l’ours sauvage plutôt que le confort du gentleman farmer. Du coup, nous proposons une exposition en trois temps : le premier montre cinq Gunpowers, de Philippe Meste, des sculptures à l’esthétique extrêmement soignée, sèche, et qui ont la particularité d’être également des armes portables, chargées de roquettes… Elles portent en elles la brutalité de l’hiver, mais aussi sa sévère beauté, et la potentielle violence faite au corps … Comme l’ours qui hiberne, OUI semble avoir ralenti ses fonctions vitales, son rythme cardiaque … Et subit la saison. Après Meste, nous installons dans OUI un sauna norvégien : l’expérience éprouvante ne passe plus par le regard posé sur une forme sculptée, mais s’adresse directement au corps qui subit les 85° de la petite pièce de bois surchauffée… Là aussi, comme dans l’hibernation, le souffle devient court, les muscles se détendent, les corps s’avachissent… Puis nous terminons par la disposition de sculptures historiques de Dieter Roth : faites de paille, de chocolat et d’excréments, elles sont dans le lieu d’art comme l’est l’humus à la fin de l’hiver – une sorte de terreau un peu répugnant, mais nécessaire, un terrain boueux, crotté, mais à partir de quoi la vie peut repartir…Après ce sera le printemps… Et pour l’ours, il sera temps de se réveiller…Par leur absence de compromis, les expos de OUI doivent décontenancer plus d'un visiteur...
C’est vrai qu’on nous dit souvent que ce que nous faisons est « exigeant ». Nous en sommes largement conscient, mais nous ne pensons pas que l’exigence soit quelque chose qu’il faille bannir ! L’art n’est pas forcément le lieu du repos ou de la distraction. On peut aussi choisir d’y aller pour être remué, enrichi, bousculé, voire pour être déçu… Mais dans tous les cas, l’art doit être une expérience, une vraie expérience je veux dire, intense, rugueuse, dont on ressort transformé… Personnellement je fais de l’art pour ça, et les artistes qui m’intéressent aujourd’hui, comme ceux qui forment les piliers de l’histoire de l’art d’ailleurs, n’envisagent pas l’art comme quelque chose qui doit simplement remplir harmonieusement les lieux d’art ou décorer les murs au-dessus des canapés… Je pense que OUI assume assez clairement ce positionnement, sans agressivité… Simplement, pour nous, l’art doit tendre à quelque chose comme cette expérience intense. Aux spectateurs qui seraient perdus (et cela arrive bien sûr régulièrement), nous proposons simplement d’expliquer notre positionnement. Il y a toujours à OUI quelqu’un pour parler avec les spectateurs et généralement ça se passe très bien – non que nous convainquions toujours, mais les gens comprennent vite qu’on leur propose vraiment quelque chose, qu’on ne se moque pas d’eux, qu’on ne se positionne pas de manière prétentieuse non plus… Après un peu plus d'un an d'existence, comment définirais-tu ce qui fait la particularité de OUI ?
OUI fonctionne comme un centre d’art, mais c’est davantage un projet artistique qu’un projet culturel. Les expositions y sont de véritables créations, et tout ce que nous faisons est réfléchi avec des artistes qui sont présents à tous les niveaux de la structure. Pour comparer avec le monde du cinéma ou de la musique, on pourrait dire que OUI fonctionne comme un label indépendant, alors que depuis quelques années une grande partie de l’art contemporain a tendance à se structurer comme l’ont fait les Majors, en courant après les stars et en privilégiant une esthétique du chiffre et du record. OUI a cette chance d’être porté par des personnes assez détendues pour ne pas envisager l’art uniquement comme un champ concurrentiel à enjeux économiques, mais néanmoins réellement déterminées, volontaires, et (du moins je l’espère) précises.« OUI », exposition en 3 volets successifs
jusqu’au 22 février à OUI

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