2008, odyssée de l'espace

Bilan cinéma / Nous avons délibéré, vous avez voté… De ces divers classements surgissent quelques idées fortes : le triomphe d’un cinéma qui regarde le monde comme un horizon sauvage, le rejet de la comédie pas drôle, une certaine idée du film politique et le fait qu’il y a blockbuster et blockbuster. Christophe Chabert

Ce fut notre leitmotiv du deuxième semestre ; on est ravi de le voir si joliment validé par vos choix : le cinéma de 2008 a été une affaire d’espaces, d’horizons, d’ouverture de champs et d’esprit. No country for old men, There will be blood et Into the wild sont des films où le paysage, sauvage, beau et dangereux, préexiste à la fiction qui va s’y dérouler et finit par survivre aux personnages qui le traversent. Prenons le film de Sean Penn : Christopher MacCandless, vagabond ivre de son idéal de liberté, traverse l’Amérique en cherchant sa place dans un environnement où l’humain dépérit, mais où la nature irradie. Quand il touchera au but, cette même nature le détruira et ce corps vidé, blafard sera rendu à sa pure minéralité. Daniel Plainview, l’entrepreneur pétrolier incarné par Daniel Day Lewis dans There will be blood, n’a qu’une obsession : creuser les entrailles de la terre pour en faire sortir la matière visqueuse et précieuse qui lui permettra de s’isoler d’un monde qu’il méprise. Les grands espaces dignes d’un western laisseront la place à une immense maison à l’architecture improbable, reflet d’un esprit misanthrope et phobique. Dans No country for old men, l’espace est crucial pour la destinée des personnages : le désert d’abord, la route ensuite, puis la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, et enfin l’impossible retour vers un Ouest crépusculaire et fantomatique. Chez Sean Penn, l’errance est une ligne brisée guidée par la détermination de son héros ; chez Anderson, c’est une ligne droite conduite par un individualiste forcené ; chez les Coen, c’est un cercle vicieux gouverné par l’absurde. Trois visions qui auront marqué 2008.L’année noire de la comédie française
À l’opposé, c’est le cimetière du rire et ça se passe malheureusement en France. Astérix (gagnant sans équivoque de votre Flop avec un score record !), mais aussi Disco, Les Randonneurs à Saint-Tropez, Agathe Cléry, L’Emmerdeur, Enfin veuve !, Musée haut, musée bas… Des comédies poussives, ratées, cyniques, mal écrites ou mal filmées, parfois tout ça en même temps, qui ont logiquement entraîné le triomphe du seul film comique grand public à peu près drôle et vraiment sincère en 2008 : Bienvenue chez les Ch’tis. Même punition, même motif avec le cinéma de genre d’chez nous : le cinéma d’horreur a touché le fond avec le nullissime Frontière(s) entraînant un buzz excessif autour de Martyrs (on n’est pas d’accord au sein du PB sur ce point) ; et la vague de polars craignos qui a même entraîné le retour hallucinant de Sergio Gobbi, fait que si on peut contester le versant biopic de Mesrine, on ne peut nier son efficacité en terme de film noir, et la maîtrise de l’action de Jean-François Richet.Politique du blockbuster
Une des bonnes nouvelles de l’année, c’est l’apparition d’un cinéma politique qui a su réfléchir sur le fond tout en inventant des formes particulièrement audacieuses : c’est le cas de Il Divo, chef-d’œuvre rock’n’roll sur le Jacques Chirac italien (critique en page 6), de Valse avec Bachir, documentaire d’animation novateur et poignant, de Gomorra avec sa structure chorale reproduisant la pieuvre mafieuse de la Camorra, de ce cri de rage esthétique qu’est le Hunger de Steve MacQueen, et même de Wall-E, dernière production Pixar dont la première partie est parmi ce qu’on a vu de plus époustouflant cette année. Pour conclure ce bilan, un dernier petit enseignement… Dans la flopée de blockbusters qui ont trusté les écrans à longueur d’années, voici un tri artistique salutaire, loin des considérations chiffrées d’un box-office pipé par des promos en forme de gavage intensif. Quantum of Solace, Indiana Jones, des triomphes ? Pas pour vous, qui les avez portés tout en haut de votre Flop annuel. Benjamin Gates, 10000, Sex and the city ? Dans la même poubelle des projets cyniques… Mais quand il y a des cinéastes derrière la caméra et qu’ils s’appellent Christopher Nolan ou Guillermo Del Toro, cela donne deux films superbes, The Dark knight et Hellboy II. Des films d’auteur derrière les superproductions, qui croient dans leurs mythologies et font confiance à l’intelligence du spectateur. Qui le leur rendent bien, d’ailleurs…

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