Les ailes du désir

De film en film, Bill Plympton milite pour un cinéma d’animation adulte, dans l’ombre écrasante des gros studios. Entretien avec l’auteur à l’occasion de la sortie de dernier long-métrage, Des idiots et des anges. Propos recueillis par François Cau

Petit Bulletin : Votre précédent film, Hair High, n’a pas eu le succès que vous escomptiez. La situation est-elle devenue plus difficile pour les producteurs et réalisateurs indépendants ?
Bill Plympton : C’est une question compliquée ; en fait, je pourrais dire que ma situation actuelle est meilleure qu’à mes débuts. Je ne sais pas si c’est parce que je suis plus célèbre ou si les choses se sont améliorées pour l’animation indépendante. Il y a eu récemment de grands succès comme Les Triplettes de Belleville ou Persépolis, qui ont contribué à rendre l’animation pour adultes un peu plus populaire. On peut ressentir le changement, le public accepte mieux l’animation comme une forme d’art à part entière.Donc vous êtes aujourd’hui moins déçu par les résultats de Hair High ? Non, ça reste une grande déception. Mais ça m’a permis de constater que mes courts-métrages étaient toujours appréciés un peu partout dans le monde, ce qui m’a permis de récupérer un peu de mes billes.Et de rester indépendant…
Oui, voilà. Mais bon, si demain Pixar m’appelle en me disant “Bill, viens faire un film“, je serais très excité ! Je sais qu’il y a peu de chances que cela arrive. Donc je suis très satisfait de ma condition, de pouvoir réaliser les films que je veux. Je suis cependant très jaloux des films d’animation mainstream, de leur distribution, de leurs moyens… Mais au moins, je ne rends de compte à personne. Hair High ne fut pas une expérience si négative que ça : on ressent dans Des idiots et des anges vos doutes et vos frustrations, mais ce changement de ton contribue à en faire un de vos meilleurs films…
Je suis très heureux de l’écho que rencontre le film, mais aussi très surpris. Au départ, c’était un projet assez égoïste, je voulais juste faire quelque chose qui me plaisait, je ne pensais pas du tout à l’impact que pourrait avoir le film. À la première projection publique, en voyant les gens se lever pour applaudir, j’ai été choqué, je me demandais ce qu’il se passait – ce n’est pas un film commercial, je ne comprenais pas ces réactions. Mais ce fut un choc très plaisant. J’ai l’impression que les dialogues sont un fardeau pour vous, moins vos personnages parlent, plus ils nous font passer des émotions…
Je suis complètement d’accord ! J’apprécie ce film pour son absence de dialogue, les images racontent tout, les émotions arrivent à surnager sans s’embarrasser des mots. Bon, il y a aussi un avantage financier : il n’y a pas à engager de comédiens, à faire de doublage ou de post-synchronisation. Mais ça en fait finalement une œuvre au propos plus universel, tous les publics arrivent à le comprendre. En fait, je travaille en ce moment sur un nouveau film, qui sera lui aussi muet. Et qui parlera… ?
De jalousie sexuelle, un peu dans l’ambiance du Facteur sonne toujours deux fois, un film noir, qui explorera le versant cynique de la sexualité.Dans Des Idiots et des anges, votre sens personnel de la morale est le plus évident : il faut que vos personnages deviennent des freaks pour devenir plus humains…
Oui, c’est vrai, je n’avais pas vu les choses comme ça mais vous avez raison. Je pars du symbolisme du ver qui dérange le personnage principal au début du film. Il est un ver lui-même, puis finalement il lui pousse ces très belles ailes, il s’envole et meurt. C’est son histoire, il renaît ; il avait besoin de mourir pour apprécier ses ailes. D’où cette idée que tout le monde possède des ailes invisibles, qu’il faut savoir en profiter, en prendre soin. Bon, d’habitude je n’aime pas du tout les contes moraux, mais là je trouvais l’idée divertissante. On va vous a souvent reproché la violence et le caractère sexuel de vos films, mais maintenant, tandis que les films américains mainstream deviennent de plus en plus graphiques, vous semblez vous calmer peu à peu.
Oui, beaucoup de gens disent que j’ai finalement mûri, que je ne suis plus l’enfant terrible… Tout dépend du sujet, là ça s’y prêtait moins. Mais je referai bientôt ces comédies barjo et hystériques, ça reste mon genre de prédilection.

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