Fabrique d'utopies

L’ADAEP a fermé ses portes le 8 juin, et les rouvrira le 5 septembre sur une salle rénovée et d’autres données pas forcément aussi chatoyantes. L’occasion de faire le point sur l’activité de la salle avec Charline Chechirlian, chargé de com et de programmation, et Gilles Rousselot, administrateur. Propos recueillis par François Cau

Petit Bulletin : Dans le paysage culturel local, l’ADAEP est toujours d’utilité publique…
Gilles Rousselot : C’est notre force. Ça veut dire qu’aujourd’hui, on est la seule salle de l’agglomération qui permette à tout un tas d’associations de venir développer leurs formes culturelles. On est dans une société qui a évolué, on n’est plus sur des formes culturelles très identifiées avec leurs lieux, les théâtres, les musées, les maisons de la culture, les bibliothèques ; ces espaces existent toujours, mais en parallèle, il faut des lieux aussi pour ces autres formes, tant dans la création, l’apprentissage que la diffusion. De notre côté, on a du mal à être sur tous les fronts, on a une demande énorme, on tourne à trois / quatre événements par semaine. On aimerait développer les résidences, mais ça voudrait dire bloquer la salle pour au moins quatre jours…Derrière le projet ADAEP, via sa fédération d’associations, son mode de fonctionnement, il y a toujours eu une utopie sur l’appréhension, la diffusion et la réception de la culture. Où en est l’utopie, après cette année particulièrement délicate à gérer ?
GR :Ce qu’on a essayé avec le Stud, c’est de partir de cette idée, de cette utopie d’un lieu ouvert, accessible à tous, dans des conditions professionnelles, mais le rendre viable. Le lieu existe toujours, on a recadré une certain de nombre de choses. L’ADAEP était quand même dans une situation très tendue, avec des risques monstrueux autant pour le public que pour nous. On a pallié ça, et l’utopie désormais, ce serait d’encourager encore plus la pratique, d’accueillir des artistes en résidence, qu’on ait cette capacité de réseau départemental, régional, national. On veut aussi croiser les pratiques – on a fait le bilan de l’année, et on a constaté qu’on n’était pas encore allé assez loin. Tout se pratique ici, du slam, de l’électro, du théâtre, avec des publics très différents, il serait intéressant que les formes et les publics puissent mieux se croiser, échanger.
Charline Chechirlian : Et ça passe par le lieu. On veut bosser là-dessus, les travaux sont aussi pour ça, rendre le lieu plus convivial, plus accueillant, que les gens qui viennent le samedi soir pour une soirée électro aient envie de revenir le lendemain pour le concert jazz.
GR : Une autre utopie serait la reconnaissance de lieux comme ça par les pouvoirs publics, pour qu’on arrive à avoir des tarifs qui permettent à tout le monde de venir. On sait que pour l’instant on demande des prix trop élevés pour les soirées. On est pour l’instant à 37% de financements publics, ce qui reste faible pour une salle comme la nôtre. On aimerait une réelle prise en compte basée sur une compréhension, et pas sur les pressions qu’on peut mettre pendant les élections ou autres. D’autant que le temps du repli sur soi arrive à son terme…
GR : J’en suis persuadé. C’est ça ou la société qui explose. Soit les pouvoirs publics prennent en compte l’évolution, soit ils vont au devant de graves problèmes. Il est évident aujourd’hui qu’il y a une demande énorme pour pouvoir accéder à des formes culturelles très diverses. Il ne suffit plus de se cantonner à une culture où il faut amener les gens, désormais, la plupart des gens veulent vivre leur culture, il y a juste besoin de leur donner des endroits où la pratiquer. Je ne pars pas en guerre contre les moyens importants sur des formes artistiques poussées, il y a là du travail de grande qualité, mais j’aimerais que cette exigence soit appliquée à toutes les disciplines, que ce ne soit pas uniquement sur quelques formes culturelles, pour quelques artistes reconnus. Le processus de la reconnaissance ne devrait pas être systématiquement sur une seule ligne.On est en pleine utopie, là…
GR : Oui, mais avec l’explosion d’Internet, de la possibilité pour le plus grand nombre de s’emparer de toutes les formes culturelles, il faut rebondir efficacement. Ne pas attendre la récupération par les grandes compagnies, sensibiliser les pouvoirs publics pour que cet essor se développe dans le collectif, entretenir cette nouvelle liberté d’expression.Que va-t-il se passer à la rentrée pour vous ?
GR : Si on y arrive financièrement, on refait tout le bloc sanitaire, le sol de la salle et celui de la Petite Roulotte, on améliore également tout ce qui est lumières. On ouvre le 5 septembre sur une salle toute rénovée. Ça, c’est pour le positif. Après, on sort d’une année où l’on n’a pas obtenu tous les financements qu’on souhaitait, le budget prévisionnel est fragile. Ce qui fait que pour tenir et ne pas se mettre en position de déficit, on est obligés de supprimer des postes. Driss, le régisseur, s’en va et ne sera pas remplacé en septembre, ce qui va être assez problématique, mais on n’a pas le choix. Mon poste sera aussi supprimé, en novembre. J’espère d’ici là faire valoir la réalité budgétaire de notre structure, et son obligation d’avoir un minimum de personnel. La deuxième difficulté, c’est qu’on est tous sur des emplois aidés de deux ans, et l’échéance arrive l’année prochaine. Donc on part sur une belle dynamique avec une nouvelle salle, mais avec de grosses inquiétudes en termes de faisabilité. On ne veut pas augmenter nos prix pour ne pas sortir de l’esprit du projet.

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