Du bruit et de la fureur

THÉÂTRE. Les Rencontres du jeune théâtre européen, qui débutent cette semaine, ont vingt ans. On en profite pour vous présenter cette manifestation qui se propose de nous donner des nouvelles de notre monde. Aurélien Martinez

On reproche souvent aux acteurs culturels français d'être repliés sur eux-mêmes, voire ethnocentrés. Une critique un brin caricaturale mais pas forcément dénuée de fondements. Dans le domaine du spectacle vivant par exemple, certains metteurs en scène ou dramaturges étrangers vont même jusqu'à prédire la momification de notre très cher théâtre (comme nous l'évoquions sur notre site il y a un mois, dans l'espace blog), engoncé dans une approche supposée vieillotte – voire archaïque pour les plus cruels. Voilà qui ravira les tenants du verbe à la française quelques fois arcboutés sur leurs principes... Les histoires de momie et de putréfaction d'un art supposé décati, le Créarc passe par dessus, en prenant le taureau par les cornes et le public par là où ça fait mal : regardez ici, là et encore là, le théâtre ne se meurt pas pour peu que l'on sache où diriger son regard. Tel pourrait être le message subliminal (quoi que légèrement interprété par nos soins !) délivré par les Rencontres du jeune théâtre européen qui se tiennent cette semaine dans toute la ville. Rencontres orchestrées d'une main de maitre par le Créarc (Centre de création de recherche et des cultures) depuis maintenant vingt ans.Dans la cité
Pour cette vingt-et-unième édition, les Rencontres restent dans leur droite lignée : proposer des spectacles d'un maximum de pays européens, dans leur langue originale. Au total, dix jours durant, dix-sept jeunes troupes de treize nationalités (slovène, espagnole, grecque, allemande...) fouleront le sol grenoblois pour une vingtaine de spectacles. Sur ces vingt représentations, quatorze auront lieu en salle (Théâtre 145, Espace 600, Théâtre Prémol...), et six en pleine rue, pour s'approprier au mieux l'espace public. Car le but de la manifestation n'est pas de rester confiné dans un écrin doré, mais de se confronter pleinement au monde qu'elle veut secouer. Les cafés-débats organisés le lendemain de chaque pièce permettront ainsi d'amorcer la discussion entre spectateurs-citoyens et artistes, pour un échange débordant souvent du cadre stricto sensu de la création (évoquer par exemple l'importance du théâtre aujourd'hui dans tel ou tel pays, ou encore la nature des publics concernés...).Sang neuf
Mais au fait, qu'entend le Créarc en parlant de jeune théâtre ? Doit-on l'opposer à un théâtre supposé vieux, voire de vieux ? Bien sûr que non, il ne s'agit pas ici de se lancer dans un conflit générationnel stérile ; surtout que pour rester poli, le directeur de ces Rencontres n'a plus vingt ans depuis longtemps. On est ici plutôt dans une démarche de mise en avant d'une certaine jeunesse européenne, avec des artistes de seize à trente ans issus d'univers variés (conservatoires, ateliers théâtre, troupes semi-professionnelles ou professionnelles...). Des jeunes fougueux porteurs d'idéaux, souhaitant insuffler un peu de vie dans leur art, et ça tombe bien. Car calquées sur le thème choisi cette année par l'Unesco, la réconciliation sera au centre de ces Rencontres. Après s'être intéressé les deux dernières années à la notion de justice (avec deux tragédies), Fernand Garnier souhaite aller plus loin : même s'il y a une justice qui rend la justice, comment vivre ensemble après un conflit ? Un thème qui prend tout son sens au sein de l'Europe. Dans la revue des Rencontres, une douzaine de metteurs en scène européens ont ainsi écrit sur l'interprétation du concept de réconciliation dans leur pays (comment les Polonais se sont réconciliés avec les Allemands après la seconde guerre mondiale par exemple, ou comment les Espagnols ont géré l'après guerre civile). Pour synthétiser tout ça, un débat intitulé "De la déchirure à la réconciliation" aura lieu le mercredi 8, avant la représentation finale de ces Rencontres, associant tous les artistes, et qui sera cette année construite autour du Conte d'hiver de Shakespeare. Un texte vieux de quatre cents ans néanmoins en plein dans le sujet nous assure Fernand Garnier, pour un spectacle en dix langues.RENCONTRES DU JEUNE THÉÂTRE EUROPÉEN
Du 2 au 12 juillet, dans divers lieux grenoblois. Programme complet en pages agenda.

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