"La Dame de chez Maxim" : l'art et la manière Sivadier

Théâtre / Mettre en scène un vaudeville aujourd’hui s’apparente à une véritable gageure, tant le genre apparaît désuet. Jean-François Sivadier réussit pourtant son pari avec la mise en scène de "La Dame de chez Maxim" de Feydeau. Notamment grâce à une Norah Krief exceptionnelle.

Dans un entretien accordé au Petit Bulletin Lyon pour sa mise en scène du Menteur de Goldoni (à voir aux Célestins), Laurent Pelly, ex-directeur du CDN grenoblois, déplore que « faire de la comédie soit presque honteux en France. Quand les spectateurs ont trop de plaisir, c’est vu comme quelque chose de louche… Moi, je revendique une comédie de qualité. »

Sans prendre trop de risques, on suppose que Jean-François Sivadier partage pleinement cet avis. Avec sa mise en scène retentissante d’un Feydeau pur jus, il participe ainsi à la création de spectacles intelligents, exigeants et surtout fédérateurs. Car chez Sivadier, ce nouvel attrait pour la comédie (c’est son premier vaudeville) se confond avec la volonté de travailler le grand répertoire et de le mettre à la portée de tous : déjà à la MC2, on avait ainsi pu découvrir ses mises en scène réussies de textes de Brecht et Büchner.

« Le Bonheur d'être demoiselle »

La Dame de chez Maxim, avec ses quiproquos et rebondissements en série, est une véritable machine à jouer pour le metteur en scène et les comédiens. La pièce contente les mésaventures d’un homme (le Docteur Peyton, interprété par un Nicolas Bouchaud survolté) englué dans ses mensonges et contraint d’en inventer d’autres pour couvrir les anciens. Au milieu de ce micmac intervient la Môme Crevette, le point de départ de l’intrigue. C’est elle que Peyton, ivre, a ramenée chez lui – c’est toujours la faute aux femmes et à l’alcool chez Feydeau ! C’est elle qui lui donne du fil à retordre (notamment quand elle doit être cachée aux yeux de la femme de Monsieur). Et c’est elle qui prolongera les complications, en se faisant passer pour Madame Peyton en personne.

Toute en gouaille, la truculente et grivoise Norah Krief interprète ce personnage haut en couleur, qui mène la barque pendant les 3h30 du spectacle. Spectacle que Sivadier a voulu grandiose (la scénographie est tout sauf minimaliste, évoquant la confusion des esprits avec ces grandes cordes de bateau), éloquent (aucun temps mort) et drôle (tous les comédiens sont exceptionnels). Mais c’est peut-être sur ce dernier aspect que le travail de Sivadier pêche un peu, notre homme ayant voulu – semble-t-il – aller à fond dans le côté humour vaudevillesque, quitte à surjouer certaines situations à l’extrême ou à surligner certaines répliques de clins d’œil (trop) appuyés. On peut le regretter parfois, même si l’humour dévastateur finit par nous emporter littéralement.

La Dame de chez Maxim, du mercredi 21 au samedi 24 octobre, à la MC2

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 3 juillet 2018 Alors que l’été la plupart des salles de l’agglo grenobloise sont fermées, il est tout de même possible de voir des spectacles en ville, en plein air et souvent dans un cadre original voire grandiose. Petite sélection maison.
Mardi 3 avril 2018 Alors qu’elle brille en gouailleuse Môme Crevette dans la mise en scène de "La Dame de chez Maxim" (Feydeau) d’Emmanuèle Amiell, on a rencontré la comédienne Émilie Geymond qui vient tout juste de créer son premier seule-en-scène clownesque baptisé...
Mardi 4 avril 2017 Voilà un spectacle ("Interview") qui, sur le papier, avait tout pour être austère ; mais qui s’avère être finalement intelligent et ludique à la fois. Et ce grâce au talent de son metteur en scène (le journaliste Nicolas Truong) et de ses...
Mardi 6 janvier 2015 Quand l'un des plus grands metteurs en scène français (Jean-François Sivadier) remonte l'un des ses spectacles phares ("La Vie de Galilée" de Brecht) toujours avec son comédien fétiche (Nicolas Bouchaud), on ne peut que s'enthousiasmer. Ce que l'on...
Mardi 10 janvier 2012 Nicolas Bouchaud incarne avec un plaisir non dissimulé le critique de cinéma Serge Daney, mort en 1992. Dans un solo souvent émouvant, il interroge le pouvoir de l'image et le rapport au temps.

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X