Ichi the Killer

Déjà pas vraiment habitué à ménager son public, Takashi Miike signe avec cette adaptation de manga son œuvre la plus extrême, mais aussi, sans nul doute, la plus aboutie. Âmes sensibles, fuyez à toutes jambes. FC

Pour ceux qui ne le connaissent pas, précisons-le, Takashi Miike est un fou hyperactif. Un homme capable de tourner cinq films dans la même année, passant d’un polar contemplatif hardcore (sa spécialité) à une comédie familiale, non sans avoir fait un détour par le drame social ou le film d’horreur. Cette surproductivité nuit forcément à la qualité de l’immense majorité de ses films, souvent étirés inutilement pour arriver à une durée de deux heures, et constellés de scènes trash hallucinées pour réveiller régulièrement le spectateur. Sa filmographie compte tout de même bon nombre de petites pépites traumatisantes (mais bon, sur près de 70 films, ce serait un peu la moindre des choses), dont cette adaptation du manga du très déviant Hideo Yamamoto. Fidèle à ses habitudes, Miike ne prend pas de gants. Il fonce droit dans le mur de la représentation graphique plein cadre, du tabou surexposé, du malaise permanent, du jet de sang, de foutre ou de larmes dans la rétine d’un spectateur qui n’en demandait sûrement pas tant. Eros fuck Thanatos
L’intrigue, nébuleuse à souhait, se centralise surtout sur l’opposition tant physique que psychologique entre les deux personnages principaux. D’un côté Kakihara, homme de main ultra-violent, sadique à plein temps et masochiste à ses heures perdues, et de l’autre Ichi, machine à tuer ultrasensible et totalement déréglée sexuellement. Et Miike de suivre leurs parcours respectifs, tout aussi chaotiques et choquants l’un que l’autre, de triturer les recoins les plus sombres de leurs êtres, jusqu’à leur confrontation finale, sommet de poésie macabre où le réalisateur déploie une atmosphère sensorielle envoûtante. Si Takashi Miike demeure plus que jamais ce sale gosse trop heureux de défricher les terrains cinématographiques interdits – en particulier ici dans sa volonté constante de rapprocher les pulsions de sexe et de violence, avec une complaisance assumée –, il nous surprend par sa capacité à insuffler une âme à cette narration apparemment guidée par la seule surenchère dans le dérangeant et le grotesque. Fortement représentatif du style Miike, Ichi the Killer possède néanmoins plus de tenue visuelle et narrative que l’ensemble de ses films, et c’est peu dire qu’il marque beaucoup plus l’esprit de son infortuné spectateur…Ichi the Killer
De Takashi Miike (Japon, 2h09) avec Tadanobu Asano, Nao Omori…
Lundi 9 novembre à 20h, à EVE. Présenté par les Cinéphiles Anonymes

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