Si De Gaulle voyait ça !

Les moulins de Villancourt d’Échirolles s’intéressent au travail des dessinateurs de la team Charlie Hebdo. L’occasion de se pencher plus en détail sur cette fameuse "bande à Charlie" qui fit – et fait encore – couler beaucoup d’encre.

Bien sûr, il y a le fameux "Bal tragique à Colombey : 1 mort" pour la mort du Général en 1970, faisant référence à un fait divers survenu quelques jours plus tôt (l'incendie d'un dancing en Isère causant la mort de 146 personnes). Cette "une" est une référence, notamment du fait des réactions qu’elle suscita à l’époque : l'hebdo Hara-Kiri fut tout bonnement censuré. Pourtant, Bêtes et méchantes, l’exposition consacrée aux affiches de la "bande à Charlie" (du nom de l’hebdo éponyme), essaie de balayer plus large.

Il y a donc, présentées, d’autres "unes", où l’on voit par exemple un Chirac croqué peu à son avantage flanqué du titre "Gaffe ! Les dents de Chirac s’approchent de nos couilles" (1977) ou une autre affirmant "Pollution, les patrons puent de la gueule" (1972) ; mais aussi des affiches de campagne de Coluche de 1981, que l’on pouvait découper dans l’hebdo (comme ce "Votez caca… prout !", orné d’un beau dessin de merde), des affiches plus militantes, comme celles réalisées pour l’Unef, ou encore d’autres consacrées à l’écologie (l’équipe qui a réalisé l’exposition n’hésite pas à définir Charlie Hebdo comme le premier magazine ayant traité sérieusement de cette question).

Si l’exposition peut sembler sommaire (une trentaine d’affiches tout au plus), elle permet néanmoins de faire un tour complet des activités de cette "bande à Charlie" : car les Cabu, Reiser, Willem, Wolinski et autres ont réalisé de nombreux dessins de presse, mais aussi des affiches de théâtre, de cinéma, pour des partis politiques… Il s’agit ainsi de montrer que ces dessinateurs ne sont pas seulement des caricaturistes, mais de véritables artistes.

Flash-back

L’aventure Hara-Kiri débute en 1960, initiée par l’écrivain et dessinateur François Cavanna et le très humoriste Professeur Choron. Leur slogan, adopté peu de temps après les premières parutions : "Hara-Kiri, le magazine bête et méchant" (expression extraite d’un courrier de lecteur mécontent). Satirique à souhait, ce mensuel transgressif bouleverse l’approche du dessin de presse, en pleine époque gaulliste castratrice. Le succès est au rendez-vous, malgré des débuts difficiles et deux interdictions ministérielles au cours des années soixante.

En 1969, alors que l’esprit de Mai-68 est passé par là, Hara-Kiri lance un hebdo en parallèle du mensuel. Mais suite à la "une" sur De Gaulle évoquée plus haut, Hara-Kiri Hebdo est contraint de s’arrêter : qu’importe, une semaine après l’interdiction naît Charlie Hebdo, qui prend la relève mais disparaît en 1982 (le mensuel Hara-Kiri sera quant à lui fermé en 1986). Un Charlie Hebdo qui renaît dix ans plus tard, relancé par un certain Philippe Val, avec des signatures historiques comme Cavanna, Willem, Wolinski ou encore Siné, mais sans Choron qui en est écarté.

La suite, on la connaît : Val de plus en plus contesté, notamment pour ses prises de positions, le divorce avec Siné à l’occasion d’une chronique de 2008 où le dessinateur ironise sur l’ascension de Jean Sarkozy et sa possible conversion au judaïsme (Siné fondra, à la suite de ce clash, Siné Hebdo, toujours en kiosque)… Dernier épisode en date dans la vie de Charlie : Val, en mai dernier, qui quitte la navire pour rejoindre France Inter.

Le Père Noël ? Une ordure !

Finalement, l’histoire riche et rocambolesque de la "bande à Charlie" mériterait une exposition beaucoup plus large, pour en saisir toutes les facettes. Mais le mérite des Moulins de Villancourt est d’avoir essayé de sortir des sentiers battus, avec des affiches que l’on connaissait moins (notamment celles réalisées pour des pièces de théâtre qu’on regretterait presque d’avoir loupées !).

Pour poursuivre cette plongée dans la satire made by Charlie, on ne peut que vous conseiller d’aller faire un tour au 5, le café du Musée de Grenoble. Le patron expose une quinzaine de couvertures des différents titres, d’Hara-Kiri aux derniers Charlie, en prenant soin de les changer tous les deux mois environ. Classe.

La bande à Charlie : les affiches
Jusqu’au 30 janvier, aux Moulins de Villancourt (Échirolles)

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