Des collages

Marnie Weber revient sur plusieurs aspects de ses travaux. Propos recueillis par Laetitia Giry

Les Spirit Girls« Les Spirit Girls ont vécu à l’époque victorienne, ce sont des esprits en transit perpétuel, qui sont là pour diffuser un message d’émancipation et représentent éventuellement la mort. J’aime jouer avec l’idée de différentes réalités. Mon travail est inspiré des œuvres des surréalistes, mais avec une ambiance plus onirique. C’est important pour moi que tous les membres soient des femmes, il y a un guitariste du groupe qui est un homme, mais il porte une robe alors ça va… Je considère les costumes que je crée comme de véritables sculptures, c’est pour cette raison que je les expose sur des mannequins. Si les œuvres se répondent (vidéos, sculptures, collages), chacune a son indépendance, peut et a déjà été montrée seule. Les cinq filles ne parlent habituellement pas, mais dans mon dernier film, j’ai pensé qu’il serait intéressant de leur laisser la parole. Je fais donc intervenir des poupées ventriloques, mais personne ne les écoute, préférant abuser de leurs corps. Pour moi, cela symbolise le don de soi lors d’une représentation scénique, c’est l’équivalent d’un sacrifice. »Musique« Je fais moi-même toutes les bande sons de mes vidéos. Chacune a été enregistrée chez moi, avec mon enregistreur. Au début, j’étais plutôt intéressée par les groupes de rock des années 70 comme Genesis, David Bowie, des gens qui créaient de véritables spectacles. Je me suis rendue compte qu’il n’y avait aucune femme pour se produire dans ce genre de mise en scène et j’ai eu envie d’apporter ma contribution. »Les animaux« Les animaux campent le côté spirituel des gens. Ceux que je mets en scène dans mes films représentent différentes facettes de ma propre personnalité, ils symbolisent différents ressentis. L’ours intervient pour la force, le singe pour l’aspect joueur, le cochon pour la part de moi qui ne travaille pas assez, ou pas assez bien. Dans mes créations ils sont un peu les animaux de compagnie des Spirit Girls. Ils sont aussi leur seul public et la seule incarnation masculine. Dans un film les filles portent des têtes d’animaux en guise de chapeaux, elles se libèrent ainsi de leurs chaînes victoriennes en se transformant en animal. J’utilise des modèles utilisés en taxidermie pour les fabriquer, je pense qu’ils portent ainsi en eux une tristesse éternelle. »Féminisme« A la fin du XIXème siècle aux Etats-Unis, les sœurs Fox étaient célèbres pour leur capacité à communiquer avec les morts grâce à des coups donnés sur le plancher. Elles auraient ainsi retrouvé un cadavre enterré chez elles au sous-sol. Cette histoire les a fait largement connaître, elles sont parties en tournée à travers le pays, rappelant les esprits, ce qui a généré un réel intérêt pour le spiritualisme sur scène. Lors des séances de spiritisme, les sœurs Fox et les autres avaient pour rituel de se lier les pieds et de se maquiller. Tout cela était très fétichiste, c’est ce que je retranscris dans des vidéos comme celle du western. Cela coïncide avec les débuts du féminisme et correspond à un important changement d’époque. Avant cela, tout le monde pensait Dieu comme une entité, personne n’avait jamais imaginé qu’il pouvait se manifester à travers eux-mêmes. Cela a été réellement libérateur. Les femmes n’étaient pas les bienvenues sur scène, elles n’étaient pas autorisées à exprimer un jugement politique. C’est ironique mais, finalement, la première fois qu’on leur aura laissé la parole sur scène, cela aura été sous la forme d’esprits, de fantômes. Mais mon travail n’est pas vraiment féministe, je le considère plutôt comme étant humaniste. Si mes personnages sont des femmes, c’est surtout parce que ce sont fatalement des personnages plus proches de moi, dans lesquels je me reconnais et me projette plus facilement. »Le public« Dans mes films, j’essaie de transmettre des émotions en créant des paradoxes sentimentaux, en mêlant une profonde mélancolie à de l’humour. Certains artistes n’attachent pas beaucoup d’importance à leur public. En ce qui me concerne, des années d’expérience de la scène m’ont donné le goût de la considération du spectateur. J’essaie d’étonner le public, de lui faire ressentir des impressions étranges. J’aimerais que mon travail l’aide à chercher, regarder et analyser ses propres émotions : c’est en cela que je considère mon œuvre comme une œuvre humaniste, concernant autant les sensibilités masculine que féminine. Je fais les films puis quand je les regarde, j’ai l’impression de pouvoir les interpréter comme je le ferais avec un rêve. Je voudrais inciter les gens à vraiment prêter attention à leurs rêves, à penser à des choses auxquelles on ne pense pas au quotidien. »

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