Franc tireuse

À l’occasion de son concert samedi prochain aux Abattoirs de Bourgoin-Jallieu, et de la sortie de son nouvel album, "Libérez la bête" le 8 mars prochain, rencontre avec Casey, rappeuse intransigeante, intègre, et singulière, plus proche de La Rumeur que du rap formaté. Propos recueillis par Damien Grimbert

Petit Bulletin : Quelles étaient tes envies pour ce nouvel album ?
Casey : Ca ne fonctionne pas comme ça, y’a un moment, je suis avec des potes qui font des instrus, je les écoute, je trouve le goût d’écrire, j’écris, et puis une fois que j’ai quelques morceaux et que j’ai dit à peu près ce que je voulais, je me dis ok, je fais un disque, et puis je le sors. Ça se passe plutôt à l’envers, tu vois, quand j’ai des morceaux et que j’en n’ai pas trop honte, je me dis « allons-y ». J’ai pas vraiment d’objectif. Après, faire une comparaison avec celui d’avant, je sais pas… Mais j’ai pas l’impression d’avoir dynamité des limites, ou transcendé des choses par rapport au précédent, c’est un peu des thématiques récurrentes, mais mises en lumière différemment… Enfin je sais pas, j’ai pas tellement de recul, donc c’est un peu difficile de répondre.

Le terme de « rap conscient », tu en penses quoi ?
Ça n’a aucun sens, parce que l’opposé, ça serait quoi ? Le rap inconscient ? Je sais pas, ça fait partie des étiquetages qui rassurent, mais je sais pas trop ce que ça veut dire…

Le fait que le fond ne doit pas cannibaliser la forme, tu es d’accord avec ça ?
Oui, mais au même titre que la forme ne doit pas occulter le fond, je pense que c’est un équilibre entre les deux…Il y a cette espèce de fiction dans le rap qui laisserait à penser que ceux qui se prennent la tête sur l’écriture sont nuls en flow, et inversement, mais c’est complètement con. Je crois que l’intérêt de chacun, c’est d’essayer de faire, que les deux s’imbriquent, et que si tant est que tu aies un message… Ben oui, s’il est mal articulé, s’il est pas sonore, musical, souple, il ne passe pas. Donc bien sûr que pour faire passer le fond, il faut de la forme, j’ai même du mal à comprendre qu’on se prenne la tête là-dessus… Mais ça c’est typique du rap français.

Entre le studio et la scène, tu as des préférences ?
Je vais pas te mentir, un studio, c’est des murs, un enfermement, c’est juste le prétexte à enregistrer des choses de bonnes qualités. Pour moi c’est plus les concerts. C’est du contact les concerts, les studios, c’est juste une pièce fermée sans fenêtre… C’est une étape pour faire un disque, c’est tout. Y’a pas de jouissance particulière à être en studio.

Des expériences comme ta collaboration avec Zone libre, avec des influences plus rock, c’est quelque chose que tu aimerais renouveler ?
Je cherche pas à renouveler… Quand tu fais des rencontres, humainement, il y a des choses qui passent, tu essayes des trucs, et puis t’y vas. Je suis pas dans une recherche « absolue » de faire des expériences non plus, je sais pas, c’est la rencontre, l’opportunité du moment… Il ne suffit pas juste de poser sur des musiques différentes, c’est humain aussi, avec les autres on avait envie d’essayer, on s’est bien entendu, on l’a fait, on a fait des concerts, ça se passe bien, voilà, c’est tout. Je m’en fais pas une obligation non plus.

Eric Zemmour qui balance à la télé que « le rap est une sous-culture d’analphabète », tu l’as pris comment ?
Moi, les déclarations d’Eric Zemmour, qu’est ce que je m’en cogne ? (rires) Je comprends même pas que ça fasse un tollé. Parce qu’il est pas le seul à penser que le rap est une sous-culture, il y en a plein. Je sais pas, qu’est ce qu’on doit en penser ? On doit en faire des tee-shirts ? Je m’en cogne d’Eric Zemmour. Je l’emmerde, moi. Je demande pas la permission à Eric Zemmour de faire du rap, je ne fais pas un complexe de ce qu’il peut penser du rap... Je m’en cogne, je regarde même pas son émission.

Il y a des trucs sur lesquels tu accroches bien, dans le rap français actuel ?
Pour être très honnête, j’écoute pas énormément de rap français, il m’arrive d’en entendre, ça peut arriver que j’écoute des trucs qui me plaisent… Oui, il y a plein de mecs qui rappent bien, c’est pas le problème, le problème, c’est les consensus un peu mou-du-cul, les trucs qui se chient un peu dessus, où on dit pas grand-chose, où on est dans la posture, où d’un album à l’autre, on saute du coq-à-l’âne... Je sais pas, c’est des trucs que je comprends pas très bien. Il n’y a pas vraiment de gens qui aient une espèce d’avancée de carrière comme ça, à l’image de ce qu’ils sont. Des personnalités entières qui avancent, qui creusent dans une direction, sans s’occuper d’éventuelles tendances, sans préméditer, il y en a peu. Après, oui, des mecs qui rappent bien, ils sont légion, ça fait un bout de temps que c’est pas ça le problème. C’est les démarches, les façons de s’y tenir, c’est « à quoi ça sert dans le fond, est-ce que ça dit ce qu’il faut dire, est-ce que ça représente un réel poids »… Oui, le poids économique est là, certes, mais si c’est un poids économique complètement creux, qui n’a aucune incidence avec son discours, est-ce que c’est bien utile ?

Pour finir, comment tu décrirais ton style, ton univers ?
Je pars du principe que les gens s’en cognent. Donc pour moi c’est difficile de répondre, si quelqu’un me pose la question, j’aurais bien du mal à le décrire. Je dirais « ben écoute, le truc le plus simple, c’est que j’ai fait un disque, si t’as une demi-heure devant toi, ou même un quart d’heure, et que t’as rien à faire, et ben écoute, et tu te feras un avis… » Ou pas, mais bien loin de moi l’idée de dire « oui, écoute, c’est très important, c’est très intéressant… » C’est ça l’utilité d’un disque, ça te permet d’éviter de parler et de raconter ta vie.

Tes projets en cours ?
Mon album sort le 8 mars, avec mon collectif Anfalsh, on finit de bosser sur la mixtape « Représailles 2 », qui arrivera dans les mois à venir, et mes potes Prodige et B. James ont chacun leur album de prêt… Donc pour les rares qui connaissent Anfalsh, voilà, on est en train de faire des choses, et on espère avoir l’opportunité de les sortir…

Casey
Samedi 13 février aux Abattoirs de Bourgoin-Jallieu Casey - Libérez la bête (Anfalsh Productions), sortie le 8 mars

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