The Ghost writer

Retour au présent pour Roman Polanski avec un thriller politique classique et hitchcockien, où s’épanouissent sans tapage un plaisant savoir-faire et une ironie très actuelle. Christophe Chabert

La sortie de The Ghost writer faisant suite à l’encore fraîche «affaire Polanski» et au débat plutôt clivé qui s’ensuivit, il va être difficile de prendre la défense du film sans passer aussi pour un défenseur de son cinéaste. Alors autant le dire franchement : pour nous, Polanski est un metteur en scène majeur, une référence incontournable en matière de modernité cinématographique. The Ghost writer prouve d’ailleurs qu’après le chef-d’œuvre très personnel qu’était Le Pianiste et le faux-pas d’Oliver Twist, celui-ci sait faire rebondir sa carrière en prenant d’adroits contre-pieds. Après deux fresques historiques, le voilà de plain-pied avec l’actualité récente : au cœur du film, un mystère entour l’ancien Premier ministre britannique Adam Lang. Il demande à un nègre d’écrire ses mémoires, alors que la controverse se lève sur son action politique pendant la guerre en Irak. A-t-il créé une douteuse alliance avec l’Amérique pour organiser la lutte contre le terrorisme en faisant fi du droit international ? Et qu’est-il arrivé à son nègre précédent, retrouvé noyé sur les côtes de l’île où Lang s’est réfugié avec sa femme et ses assistantes ?

Un livre ? Juste du papier…

Polanski fait de ce politicien ambigu un fantôme dans le récit. Il passe dans le plan, échange quelques mots avec son nègre, puis disparaît longuement, avant de réapparaître une dernière fois, le temps de quelques répliques renforçant son ambivalence. La personnalité de cet homme tient dans un épais manuscrit de 600 pages, mais le cinéaste, assez ironiquement, signifie au spectateur que ce qui compte là-dedans, ce ne sont pas les mots, mais les marges, et qu’en définitive tout cela n’est peut-être que du papier dispersé par le vent. D’ailleurs, c’est bien dans le sous texte que réside le mot de la fin, pas dans le texte lui-même. Si le film suit les pas d’Ewan MacGregor empruntant le chemin de son prédécesseur à pied, à bicyclette, en ferry, en voiture, et même dans le lit de l’intrigante femme de Lang, Polanski nous invite à regarder ailleurs que dans la ligne du thriller. Celle-ci s’avère d’ailleurs assez classique, reprenant la lettre hitchcockienne telle que Polanski l’avait déjà imitée dans son Frantic. Il y a là un savoir-faire indéniable, plutôt efficace même si le cinéaste n’a plus cette capacité, autrefois bluffante, à faire surgir l’angoisse d’un simple insert sur un visage menaçant. Qu’importe à vrai dire : The Ghost writer est un film d’une malicieuse sagesse derrière ses allures de divertissement à l’ancienne.

The Ghost Writer
De Roman Polanski (Fr-All-Ang, 2h08) avec Ewan MacGregor, Pierce Brosnan…

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