Salif Keïta : absolu mandingue

Acte de résistance puissant, marque de l’abnégation exemplaire de son auteur contre toutes les formes de rejets dont il fut victime, la musique de Salif Keïta s’élèvera cette semaine à l’Heure Bleue, dans le double cadre du Grenoble Jazz Festival et du Mois de la Création Francophone.

Salif Keïta, c’est l’artiste qui devrait légitimement foutre la honte à tous ces musiciens poseurs qui décrètent, les mains caressant négligemment leur jean slim, que «la musique c’est ma vie, tu vois». Né albinos dans une région malienne considérant cette donne génétique comme une malédiction, il n’échappe que de peu à la répudiation paternelle, mais subit en permanence le poids social de sa condition. Ce sera dans les champs où l’envoie son agriculteur de père pour effrayer les oiseaux (sic) qu’il s’entraîne à ce qui allait rapidement devenir sa passion, le chant.

Au sortir de ses études, ne pouvant accéder au métier d’instituteur à cause de sa vue défaillante, il choisit de se tourner vers la pratique musicale – une profession réservée à la caste des griots, et très mal considérée par sa famille, descendante d’une lignée princière. Il quitte donc sa famille pour s’installer à Bamako, puis à Abidjan, vivotant d’orchestres traditionnels mandingues en formations plus tournées vers des répertoires internationaux.

Identités nationales

Il y affinera sa maîtrise vocale déjà bien affirmée, peaufinera son approche sans limites de l’expression musicale, fusionnant les genres tout en restant fidèle à ses racines. Sa voix, au timbre puissamment émotionnel, porte bien évidemment en elle les reliquats d’un vécu pour le moins hardcore, mais traduit également – et surtout – la vitalité exacerbée de celui qui choisit de ne pas se laisser submerger par un désespoir pourtant bien tentant.

Fort de cette personnalité artistique tranchée, en perpétuelle mutation, Salif Keïta se fait remarquer par un public français qui l’encouragera plus que de raison à poursuivre dans cette voie. Entre son nouveau pays d’adoption et Bamako, Salif Keïta ajoute d’année en année de nouveaux joyaux à sa discographie. Le (grand) petit dernier, La Différence, boucle une trilogie acoustique entamée en 2002 avec Moffou et poursuivie en 2005 avec M’Bemba, et démontre une nouvelle fois les précieuses spécificités de l’artiste, homme marqué ne se définissant pas par ses fêlures, mais par l’écoute attentive de son temps, la conscience aiguë d’être avant tout un citoyen du monde. Ce qui, en ces temps de relents chauvins putrides, fait un motherfucking bien fou et remet les choses à leurs places.

Salif Keïta
Samedi 27 mars à 20h, à l’Heure Bleue (St-Martin-d’Hères)

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