Déconstructions chorégraphiques

DANSE / Avant la venue à Grenoble du Ballet Royal de Flandres avec la reprise d’Impressing the Czar, l’une des pièces phares de la danse moderne, portrait de William Forsythe, chorégraphe de renom qui a habilement su faire cohabiter les mots ballet et modernité. Aurélien Martinez

Un grand ballet empruntant autant au style classique qu’à la forme de l'opéra-ballet ou du music-hall américain des années 50 (liste non exhaustive !) : voilà comment peut être présentée la pièce Impressing the Czar, qui s’inscrit ainsi dans la lignée des grandes chorégraphies ayant marqué leur temps. Initialement créée en 1988 pour le Ballet de Francfort (dont Forsythe fut le directeur entre 1984 et 2004), le Ballet Royal de Flandres (dirigé par Kathryn Bennetts, ancienne assistante de Forsythe) la reprend aujourd’hui. Histoire de montrer qu’en 2010, elle a encore quelque chose à nous dire. Car Impressing the Czar correspond aux débuts postmodernistes de l’artiste américain, qui a ainsi désacralisé le ballet en lui faisant rompre avec le style classique. On lui dit merci.Et Dieu créa Balanchine
Né à New York en 1949 d’un père publicitaire passionné de rock, Forsythe se dirige très vite vers le monde de la danse. A l’université de Jacksonville (Floride), il étudie l’art de la chorégraphie dans son ensemble, en l’approchant par les angles classique et jazz. En parallèle, il se met à analyser le travail de Martha Graham (danseuse et chorégraphe américaine reconnue comme l’une des fondatrices de la danse moderne), et surtout celui de George Balanchine, chorégraphe russe très important du XXe siècle, pionnier du ballet aux États-Unis (en début de saison, on avait ainsi pu découvrir à la MC2 la reprise très classique de son Joyaux par le Ballet de l’Opéra de Paris). Deux maîtres qui influenceront le futur parcours de Forsythe. En 1971, il intègre l’École du Joffrey Ballet à Chicago, puis la compagnie du même nom peu de temps après, avant de finalement traverser l’Atlantique pour rejoindre la troupe du Ballet de Stuttgart en Allemagne : il devient alors chorégraphe de la compagnie, à seulement vingt-trois ans (il quittera l’équipe en 1980, à trente et un ans). Réussite précoce qui laisse poindre une carrière grandiose…« Le plus européen des Américains »
Première création en 1976 (Ulrich, un duo sur une musique de Gustav Mahler), qui fera ensuite place à de nombreuses autres pour des institutions toutes aussi prestigieuses les unes que les autres : le Ballet de Bâle, le Ballet de Munich, le Deutsche Opera Ballett de Berlin, le Nederlands Dans theater… Mais la rupture aura lieu en 1984. Après avoir imaginé une pièce pour le Ballet de Francfort, il en devient directeur, faisant accéder la troupe au statut de compagnie mythique. Il développe alors une écriture qui lui sert aujourd’hui de carte de visite : celle de la déstructuration des codes du ballet, pour l’amener là où il n’est pas attendu, sur un terrain plus moderne. Décloisonnement des styles, démystification des approches tout en partant des références classiques (dont les mouvements de Balanchine) : le public et les professionnels de la profession s’enthousiasment pour cette nouvelle approche, surtout en Europe. Ses pièces rentrent alors au répertoire des plus grandes compagnies. Citons par exemple, en France, le Ballet de l’Opéra de Paris ou encore celui de l’Opéra de Lyon qui s’est vu confier dix pièces par le chorégraphe américain, comme One Flat Thing Reproduced, sidérante de vitesse et de prises de risques (elle présente quatorze danseurs évoluant entre les tables d’une sorte de salle de classe). En 2005, suite à un conflit avec la ville allemande, Forsythe quitte le Ballet de Frankfort pour monter sa propre compagnie (The Forsythe Company) qui lui offre une plus grande liberté d’action et la possibilité de mettre en place des projets plus insolites (comme des créations voguant vers la performance théâtrale, ou d’autres plus expérimentales laissant par moments le public pantois). Un chorégraphe toujours en recherche : cette année, la Biennale de danse de Venise l’a ainsi récompensé pour l'ensemble de son œuvre, en qualité de « figure et guide de la danse à partir des années 90 ». A soixante ans, Forsythe surprend donc toujours. Découvrir l’une de ses anciennes pièces interprétée par une compagnie prestigieuse risque fort d’être un grand moment.IMPRESSING THE CZAR
Du mercredi 16 au vendredi 18 juin, à la MC2

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