Noël après l'heure

THÉÂTRE / En transposant sur scène une série de contes des frères Grimm, le flamboyant Olivier Py arrive à calquer un univers forain et musical sur les mots des auteurs allemands. Une réussite totale à découvrir par tous, petits et grands. Aurélien Martinez

Décor rouge, noir et or pour ambiance de conte de fées baroque, lumineuse et décalée. Ici, la marâtre est campée par un homme travesti façon cabaret ; là, un jardinier avec canotier semble tout droit sorti d’un tableau impressionniste ; plus loin, un diable cravaté se met à chanter d’un coup, comme si c’était la chose la plus naturelle au monde… Cette fois-ci encore, Olivier Py, metteur en scène français entier et passionnant, fait du Olivier Py, avec une série de spectacles intelligents et généreux. Sauf que ce ne sont pas directement ses mots qu’il porte sur le plateau (contrairement à certains projets, comme les splendides Illusions comiques ou Epître aux jeunes acteurs), mais ceux d’autres. La réussite est totale, grâce au dosage parfait entre appropriation et déférence.Drames en série
Les contes de Grimm ont bercé la jeunesse de pas mal d’entre nous. Enfin, pas exactement ceux choisis par Py, ce dernier s’étant attaché à présenter les moins connus des frères allemands. Point de Blanche-Neige, Hansel ou Gretel donc, mais trois autres contes : La Vraie fiancée, La Jeune fille, le diable et le moulin et L'Eau de la vie. Choix appréciable qui permet au metteur en scène de montrer que ces petits bijoux sont beaucoup plus profonds qu’ils n’y paraissent à première vue, en enlevant au spectateur le bercement induit par la maîtrise de l’intrigue. Derrière l’historiette destinée à effrayer les bambins se cache ainsi une réflexion sur la vie même, qu’Olivier Py fait sienne. De véritables spectacles sur la cruauté d’un monde où le péché est partout – Py est ouvertement croyant, et ne semble pas forcément porter dans son cœur notre époque contemporaine (retrouvez sur notre site web le portrait que nous lui avions consacré en janvier dernier). Mais des spectacles qui se finissent en fanfare, avec un bien triomphant pleinement sur le mal. Entre temps, les enfants, purs de toute mauvaise intention, auront subi les affres des grands, machiavéliques à souhait. Comme dans le très shakespearien L’Eau de la vie, où un jeune fils se retrouve banni par son père à cause des manigances vénales de ses frères aînés.Tout l’amour que j’ai pour toi…
Les grands thèmes de la vie traversent l’œuvre des Grimm : la vie, la mort, l’amour, le pouvoir… Des condensés d’existence traités par le prisme d’un récit à double lecture : si les plus jeunes frémissent en découvrant le personnage du diable grimé en rouge vif, les adultes sont guidés par Py vers d’autres états émotionnels que le simple fait d’être effrayé. Ainsi, le décor fait d’une nuée d’ampoules n’est pas sans évoquer les miroirs disposés dans les loges des comédiens. Car le metteur en scène, à travers ces contes, démontre une fois de plus tout l’amour qu’il porte à la chose théâtrale et son envie indéniable de faire partager son enthousiasme à tous. Il met alors en place un théâtre tout public d’une générosité extrême, loin des égarements auxquels il peut se laisser aller dans certaines de ses pièces pour adulte tout en excès verbaux et folie mystique (Les Enfants de Saturne, sa dernière création à l’Odéon, en est un exemple parfait). Dans une scénographie splendide et lumineuse évoquant autant le théâtre de tréteaux que le music-hall gouailleur, Olivier Py offre une place centrale au spectateur (enfant comme adulte), convié à cette fête décadente représentant sur un plateau un monde en accéléré.100% Py
Les trois spectacles, tous conçus avec une précision d’orfèvre, sont visibles séparément puisqu’ils fonctionnent indépendamment les uns des autres. Mais la vision de l’intégrale, jouée samedi sur six heures (chacun des contes durent entre une heure et une heure trente) dresse évidemment un panorama complet de l’univers qu’a souhaité élaborer Py. On valide pleinement.INTÉGRALE DES TROIS CONTES DE GRIMM
Samedi 19 juin à 15h, à la MC2.

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