Des hommes et des films

Cinéma / Une rentrée cinéma plutôt classique, entre projets chocs, rescapés cannois et blockbusters plus ou moins frais. Avec déjà un coup de cœur : Potiche de François Ozon. Christophe Chabert

Commençons ce panorama de rentrée cinéma par les films qui, sur le papier, mobilisent tous nos espoirs. C’est le cas de The Social network, le film que David Fincher a réalisé sur un scénario du génial Aaron Sorkin (créateur de la série À la maison blanche) sur le créateur de Facebook, Mark Zuckerberg. Cette alliance de talents (à laquelle il faut ajouter Jesse Eisenberg dans le rôle principal) laisse augurer du meilleur, tout comme la bande-annonce, flamboyante. Autre film très attendu, le nouveau Abdellatif Kechiche, Vénus Noire. Deux ans après La Graine et le mulet, le cinéaste relate dans une œuvre fleuve le parcours au XIXe siècle d’une Sud-africaine devenue attraction foraine dans les bas-fonds londoniens puis spécimen médical en raison de sa corpulence et de sa morphologie. Par rapport à ses deux très grosses pointures, Robert Rodriguez peut paraître petit bras. Mais voilà : Machete s’inscrit dans la lignée de Planète terreur, son film Grindhouse, et s’il réussit à retrouver la même énergie romanesque et le même fun foutraque (au vu des premières images incroyablement gore et sexy, ça à l’air d’être le cas), il pourrait bien créer la surprise. En tout cas, Rodriguez a d’ores et déjà effectué un tour de force : réunir au même générique le meilleur et le pire acteur américain : Robert De Niro et Steven Seagal !Braderie cannoise
Pas de rentrée ciné sans débarquement façon Normandie des films présentés à Cannes. Mais comme le cru 2010 était du genre moyen, le tableau de rentrée est du même acabit, d’autant plus que les deux meilleurs films (Poetry et Oncle Boonmee) sont déjà sur les écrans. Il y a quand même quelques bons, voir très bons films dans le lot, notamment l’incroyable Kaboom de Gregg Araki, farce apocalyptique joyeuse, délurée, complètement cinglée et absolument bidonnante. Un cran en dessous mais dans un registre similaire, on trouve le Rubber de Quentin Dupieux. Après Steak, Dupieux, alias Mr Oizo, a tourné tout seul dans le désert américain un hommage au cinéma d’exploitation et au «no reason» (pour comprendre, allez voir le film !) où un pneu — oui, un pneu ! peut tuer par télépathie ceux qui s’interposent entre lui et la jolie fille dont il est amoureux. Autre film à ne pas rater : le nouveau Woody Allen, Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, objet faussement mineur où la comédie de mœurs allenienne est sans arrêt rattrapée par le drame, la mort, la frustration. Sous ses dehors légers, c’est sans doute le film le plus bergmanien de Woody Allen. Im Sang-soo est reparti bredouille de Cannes, mais il n’empêche que The Housemaid était un des films les plus percutants de la compétition : prétextant le remake d’un mélo culte sud-coréen, le réalisateur se livre à une charge sociale virulente et cruelle, à la mise en scène baroque et splendide. Plus rock que baroque, le dernier Kitano, Outrage, est un film qui ne fait rien pour être aimé (car violent, nihiliste, complexe et radical), mais c’est cette mauvaise humeur qui nous le rend assez aimable. Pour le reste, entre les très Télérama Des hommes et des Dieux de Xavier Beauvois et Another year de Mike Leigh, la pachydermique Princesse de Montpensier et les nanars d’Iñarritu (Biutiful, le film le plus cracra du monde), Dolan (Les Amours imaginaires, ou la culture gay expliquée aux teenagers dépressifs) et Bouchareb (Hors la loi, mais en plein dans l’académisme pompier), le panorama fait froid dans le dos.Suites et fin
Harry Potter 7.1 (car il y aura un 7.2), Arthur 3, Narnia 3 (argh !) : les franchises se portent bien, merci pour elles, et représentent l’essentiel du contingent en matière de blockbusters. Il faudra regarder du côté de l’animation, notamment avec l’attendu Moi, moche et méchant ou le prometteur Ga’Hoole (un film de hiboux supervisé par Zack Snyder !) pour avoir sa dose de divertissement original. D’Amérique toujours, quelques comédies devraient remplir leur mission, notamment Very bad cops avec le tandem Will Ferrell-Mark Wahlberg, Date limite, où le réalisateur Todd Philips retrouve Zach Galifianakis (plus, ô joie ! Robert Downey Jr…) après le coup de maître Very bad trip, ou l’excitant Scott Pilgrim, premier film réalisé par Edgar Wright sans son compère Simon Pegg (Shaun of the dead, Hot Fuzz). Si la France pourrait faire bonne figure au cours du trimestre à venir (grosse attente du côté de Romain Gavras — Notre jour viendra, et Guillaume Nicloux — Holliday), il faut dès à présent féliciter François Ozon. Plutôt en perdition ces derniers temps, le réalisateur de Sous le sable fait un retour fulgurant au premier plan avec Potiche, où il pratique sur les codes du théâtre de boulevard un détournement subversif et politique qui n’est pas sans rappeler les deux opus d’OSS 117. Extrêmement drôle, parfois touchant, toujours élégant, Potiche est un des grands films de l’année 2010, à la fois populaire et ambitieux.

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