Sélection

Nos coups de coeur de la rentrée littéraire. YN & FC

Michel Houellebecq
La Carte et le territoire (Flammarion)
Il faisait évidemment partie des livres les plus attendus de cette rentrée littéraire et le moins que l’on puisse dire est que nous ne sommes pas déçus ! A travers son personnage de Jed Martin, photographe et peintre, Michel Houellebecq livre un regard passionnant sur la figure de l’artiste et son rapport à la société, au marché, à l’argent, mais aussi à la création, à l’exil et à la solitude. Dans une mise en abyme vertigineuse, il se met lui-même en scène avec une ironie et une auto-dérision désarmante : avant de décrire sa propre mort, il aura en effet pris un malin plaisir à jouer autour de son identité et du mythe qu’il a contribué à créer, tout en se situant dans son époque, comme en témoignent les portraits de Julien Lepers, Frédéric Beigbeder ou Jean-Pierre Pernaut. Et si ce dernier était le véritable héros d’un roman qui, en plus des thèmes habituels de Houellebecq (la consommation, la dégradation, le temps et la finitude) s’interroge aussi avec acuité sur la question du territoire, du terroir et de l’authenticité ?Philippe Forest
Le siècle des nuages (Gallimard)
Entré en littérature avec L’Enfant éternel, un livre écrit suite à la mort tragique de sa petite fille Pauline, Philippe Forest explore depuis la question du deuil, de la perte, et plus largement de la disparition et de l’absence avec des romans qui oscillent entre un intimisme profond et une dimension épique plus importante, comme ce fut notamment le cas du très beau Sarinagara. Le siècle des nuages est de cette trempe, puisqu’il ne s’agit de rien de moins que de réécrire l’histoire du XXe siècle par le prisme de l’aviation, tout en dressant le portrait intime et fouillé de son pilote de père. Entre histoire avec « une grande hache » et vie minuscule, Forest donne un roman majeur, foisonnant, érudit, qui creuse le sillon d’une œuvre tout en la renouvelant considérablement. Les dernières pages du livre sont d’une puissance et d’une émotion à vous mettre les larmes aux yeux. Peut-être le plus beau livre de cette rentrée…Olivia Rosenthal
Que font les rennes après noël ? (Verticales)
Cette question enfantine est la base du nouveau livre d’Olivia Rosenthal qui reprend peu ou prou le même procédé que dans son précédent roman au sujet de la maladie d’Alzheimer (On n’est pas là pour disparaître). On y trouve une alternance entre les monologues intérieurs que tiennent divers personnages sur les animaux qu’ils fréquentent (dresseurs, laborantins, gardiens de zoo, bouchers…) et une narration plus linéaire retraçant la vie (et l’éducation) d’une femme, de l’enfance à l’âge adulte. Une mise en miroir qui nous en apprend beaucoup sur nos amis les bêtes, et qui pose du même coup des questions passionnantes sur le destin des bêtes humaines. Y a-t-il un lien entre dressage et éducation ? Comment redevenir sauvage lorsqu’on a été domestiqué ? Quelle est notre part d’animalité ? Est-il possible d’aller à l’encontre de notre conditionnement social et familial ? Est-ce là la condition sine qua non au bonheur ? Entre roman documentaire, expérience formelle et dimension autofictionnelle, un nouveau joyau d’une écrivaine hors norme… Mais au fait, ils font quoi, les rennes, après Noël ?Will Self
Le livre de Dave (L’Olivier)
Imaginez une société tout entière fondée sur les délires politico-philosophiques d’un chauffeur de taxi xénophobe et machiste… C’est l’idée éminemment romanesque de l’écrivain britannique Will Self, dont le nouveau livre se déroule sur deux époques séparées de plus de 500 ans. D’un côté, dans le quotidien londonien de la fin des années 90 de ce loser de Dave, chauffeur de taxi abandonné par sa femme, privé de son fils, qui enterre dans le jardin familial ses préceptes nauséabonds afin que sa descendance en profite à l’âge adulte. De l’autre, un demi-millénaire plus tard, dans une ville de Londres entièrement reconstruite après une inondation géante, et dont la nouvelle Bible n’est autre que ce fameux manuscrit, Le livre de Dave. Qui dit nouvelle société dit nouveau langage. Qu’à cela ne tienne : Will Self en invente un, avec glossaire incorporé… Une fois de plus, l’auteur de Dorian nous mène aux frontières de la satire sociale et de la réflexion philosophique dans un roman désespérément lucide, d’une audace stylistique impressionnante. Mention spéciale au traducteur du livre, Robert Davreu, qui réussit avec brio une mission presque impossible…Alan Pauls
Histoire des cheveux (Christian Bourgois)
On avait découvert l’écrivain argentin avec Le Passé, un roman proustien foisonnant et magistral. Alan Pauls délaisse depuis l’écriture romanesque pour des livres hybrides, mélange de narration et de réflexion, qui se situe à la fois dans l’intime d’un individu et dans les péripéties de l’histoire mouvementée de l’Argentine du 20ème siècle. Après le corps dans La vie pieds nus, les larmes dans Histoire des larmes, c’est au tour des cheveux de servir d’entrée et de prisme à la compréhension politique d’un destin, d’une société – et du monde en général. Des amours de jeunesse à la désillusion du couple, de sa rencontre avec un coiffeur aux pouvoirs magiques à l’assassinat d’un haut dirigeant argentin par un guérillero emperruqué en passant par l’histoire rocambolesque d’une mèche ayant appartenu à Che Guevara, le narrateur nous mène, des années 70 à la période contemporaine, au cœur d’une mythologie qui est à la fois individuelle et collective. Aux confins du récit surréaliste et du pamphlet politique, ce livre prouve une nouvelle fois la folle inventivité d’Alan Pauls, ainsi que sa propension à brasser les registres tout en posant un regard sans concession (et décalé) sur l’histoire de son pays. Bret Easton Ellis
Suite(s) impériale(s) (Robert Laffont)
Suites Impériales, annoncé comme une séquelle de Moins que Zéro, sonnait comme une régression redoutée de l’écrivain le plus hype du monde, d’autant que le côté lapidaire de l’œuvre (175 pages en gros caractères) pouvait laisser penser qu’il ne s’était pas vraiment foulé. De fait, les habitués d’Ellis verront les ficelles : l’intro pratique l’auto-distanciation comme dans Lunar Park, l’effroyable et inattendu climax emprunte aux scènes les plus graphiques de Glamorama et d’American Psycho, et le parcours quasi somnambulique de son héros dans un Los Angeles spectral fait écho… à toute son œuvre. Si son écriture est toujours aussi sèche et nihiliste, Suite(s) impériale(s) véhicule ceci dit dans son atmosphère une tristesse profondément remuante, dont on trouvait certaines traces en conclusion de Lunar Park. Et comme dans ce dernier titre, il faut attendre les dernières pages pour comprendre où l’auteur veut nous emmener cette fois-ci. Un fulgurant roman en trompe-l’œil, qui possède la marque des grands : vous avez beau avoir l’impression de connaître un univers par cœur, d’en décrypter les codes, vous vous faites quand même avoir…Alan Pauls
Histoire des cheveux (Christian Bourgois)
On avait découvert l’écrivain argentin avec Le Passé, un roman proustien foisonnant et magistral. Alan Pauls délaisse depuis l’écriture romanesque pour des livres hybrides, mélange de narration et de réflexion, qui se situe à la fois dans l’intime d’un individu et dans les péripéties de l’histoire mouvementée de l’Argentine du XXe siècle. Après le corps dans La vie pieds nus, les larmes dans Histoire des larmes, c’est au tour des cheveux de servir d’entrée et de prisme à la compréhension politique d’un destin, d’une société – et du monde en général. Des amours de jeunesse à la désillusion du couple, de sa rencontre avec un coiffeur aux pouvoirs magiques à l’assassinat d’un haut dirigeant argentin par un guérillero emperruqué en passant par l’histoire rocambolesque d’une mèche ayant appartenu à Che Guevara, le narrateur nous mène, des années 70 à la période contemporaine, au cœur d’une mythologie qui est à la fois individuelle et collective. Aux confins du récit surréaliste et du pamphlet politique, ce livre prouve une nouvelle fois la folle inventivité d’Alan Pauls, ainsi que sa propension à brasser les registres tout en posant un regard sans concession (et décalé) sur l’histoire de son pays.

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