La traversée du temps

Avec La Vie au ranch, Sophie Letourneur a séduit la presse ado et cinéphile. Parcours, méthodes et rencontre avec une jeune cinéaste qui compte. Jérôme Dittmar

Les films de Sophie Letourneur ont cette faculté de fusionner l’intime et l’universel. D’être au point de rencontre, souvent risqué, entre l’autobiographie et la fiction. Sans l’avoir croisé, on a presque tous déjà vécu son cinéma. Et sommes amenés à le revivre, autour d’un verre, entre amis, lors d’une soirée qui se prolongera tard dans la nuit. Il devient rare de rencontrer des auteurs, français et singuliers, comme Sophie Letourneur. À peine plus de trente ans et déjà un court, deux moyens et un long, le tout en six ans, sans aucune formation dans le cinéma ni de vrai contact avec le milieu. Venue des Arts déco, elle s’intéresse au quotidien et à l’anodin, thèmes qui deviendront ceux de plusieurs films expérimentaux et documentaires. Obsédée par le son, elle prend pour habitude d’enregistrer les conversations de son entourage, procédé qui lui servira pour ses fictions. Auxquelles Letourneur passe en 2004 avec un court, La Tête dans le vide, film de filles (déjà) tourné entre copines à partir de souvenirs et autres documents personnels. Le style est alors trouvé, un cinéma est né.BullesTrès vite, Letourneur va définir son sujet : l’impermanence, les transitions d’un âge à l’autre, les frontières qui mènent vers d’autres horizons en passant, comme elle nous le confie, par le «rite initiatique». Tout ceci se retrouve dans ses deux moyens métrages : Manue bolonaise, beau film sur deux amies, filmées «telles un couple», quittant l’enfance pour l’adolescence ; puis Roc & Canyon, documentaire dans le tourbillon d’une colonie de vacances. Un coup d’œil rapide sur ce cinéma pourrait évoquer le naturalisme d’un Rozier. Mais si la cinéaste avoue son goût pour l’auteur d’Adieu Philippine, elle ne se dit pas cinéphile ou prétendre au réalisme. Avec son premier long, La Vie au ranch, ses thématiques et méthodes se déploient, filmant un groupe «comme un seul personnage saturant l’écran par ses corps et son bavardage». Toujours en travaillant «à l’oreille», à partir d’un séquencier et de nombreuses répétitions où les jeunes comédiens amateurs apportent leurs dialogues. Le film semble improvisé ? Tout est rigoureusement mis en scène, le son mixé pour qu’on «entende tout et séparément» ou rendre sensible l’étouffement du groupe dont on s’émancipe. Letourneur l’avoue : «la maturité est une question importante pour moi». Pas pour rien que son prochain long tournera autour d’une jeune mère en empruntant la forme du conte. Ses films montrent la vie comme une succession de bulles qui éclatent et se reconstituent, autrement, ailleurs. Un cinéma du passage assurément.

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