Invité du festival Rocktambule ce vendredi, Ben Sharpa est l'un des représentants les plus véhéments de la scène hip-hop sud-africaine actuelle. Portrait d'un artiste exalté. Damien Grimbert
«Je me décrirais comme un Musicien de l'Armée Robotique de 4e Densité, et un Ouvrier de la Lumière. Mon programme est d'aider à ouvrir la voie à l'Âge d'Or de l'Humanité, c'est-à-dire l'Ascension Collective et l'Evolution Consciente de toute la Race Humaine». Si cette déclaration d'intention peut sembler (pour le moins) nébuleuse, elle n'en a pas moins le mérite de poser clairement l'univers du personnage. Ben Sharpa est un rappeur hors-norme, illuminé et passionné, dont les thématiques paradoxales (justice sociale et mystique avant-gardiste, science-fiction politisée et théories conspirationnistes...) ont peu à voir avec celles du commun des mortels. On aurait pourtant tort de le réduire au statut de simple “freak“ en roue libre. En premier lieu, parce que son flow souple, assuré, incandescent et charismatique, posé sur une gamme de beats futuristes et hybrides empruntant aussi bien à l'électronique qu'à la bass music, a de quoi renvoyer plus d'un apprenti rappeur au vestiaire. En second lieu, parce que son parcours, chaotique, surprenant et mondialisé, donne in fine à ses propos une assise peu commune. Électron libre
Né en 1979 dans les bouillonnants quartiers de Soweto, au sein d'une famille cultivée, mais subissant de plein fouet le joug de l'apartheid, Ben Sharpa quitte l'Afrique du Sud alors qu'il est encore enfant, pour s'installer avec son père à Chicago. Sur place, il s'initie à la culture hip-hop encore naissante, dont la dimension politique et socioculturelle et la liberté d'expression le séduisent rapidement. À son retour au pays en 1993, pour les premières élections libres, sa décision est déjà prise : il fera de cette discipline encore décriée sa vocation. Gravitant au sein de différentes formations locales underground pendant près d'une dizaine d'années, il en profite pour développer sa singularité lyricale et son goût pour les productions hybrides et avant-gardistes. Au début des années 2000, il fait déjà partie des rappeurs sud-africains avec lesquels il faudra compter. La reconnaissance internationale suivra quelques années plus tard, grâce au soutien de la célèbre découvreuse de la BBC Mary-Anne Hobbs, et aux liens étroits tissés entre son label Pioneer Unit et les activistes lyonnais de Jarring Effects, qui le font tourner à l'échelle européenne et sortent en France son excellent premier album fin 2009. 2010, la voie est désormais libre pour Ben Sharpa et ses théories cyber-socio-mystiques, et on sera bien les derniers à s'en plaindre.
Ben Sharpa, Le Peuple de l'Herbe, Hocus Pocus et MMD38
Vendredi 22 octobre sous le chapiteau du festival Rocktambule.