On l'a dit et répété, tels des Cassandre mal réveillées un lendemain de cuite : la seizième édition de Rocktambule est décisive pour l'avenir du festival, mais aussi pour la survie de la vie associative culturelle locale. François Cau
Résumons la situation. Peu de temps avant le début du festival Rocktambule édition 2009, la team du Pôle Musical d'Innovation, à l'œuvre pour l'organisation de l'événement, reçoit des signes peu engageants : les aides publiques sont en diminution, et les frais logistiques des deux nuits électro prévues au Summum (demandés par le lieu) risquent de saborder violemment les recettes. Ce sera le cas : si le public répond toujours présent, Rocktambule affiche désormais un déficit de 100 000 euros.
En dépit de cet état de fait hautement alarmant, décision est collégialement prise, au sein du PMI, de lancer une 16e édition du festival. Eu égard à ce qui précède et pour poursuivre la métaphore guerrière inaugurée par le titre de cet article, disons que, vu de l'extérieur et pour beaucoup, Rocktambule est un troufion qui s'est lancé dans le champ de bataille en hurlant, avec tout son courage, sans se rendre compte qu'il est parti en slip et avec une brosse à dent pour toute défense contre l'ennemi – juste au moment où celui-ci redouble d'intensité dans ses attaques.
Alors oui. Au moment où tout le monde tente de tenir les rangs dans la tranchée, à recompter ses munitions pour la énième fois, voir l'éternel franc-tireur partir seul, la fleur au fusil, ça peut agacer. On peut même se dire qu'il va essuyer les plâtres pour tout le monde, que ça pourrait même faire diversion. Sauf que 1/ ça serait quand même trop facile à tout point de vue 2/ la fin de Rocktambule signifierait à très court terme, au-delà de l'évident – et effroyablement logique dans le contexte actuel - désaveu des collectivités locales qui ne manquerait pas de s'ensuivre, la démonstration de la non viabilité d'un modèle de pratiques culturelles qu'on ne peut que défendre dans ces colonnes, en dehors de toute orientation partisane, juste en s'enlevant un peu de déjections dans les yeux.
United we stand
Si la constitution originelle de PMI (pour répondre à l'appel d'offre de la Délégation de Service Public sur la nouvelle salle de musiques actuelles – qu'on continue à baptiser L'Arlésienne entre deux toux gênées) a pu être taxée d'opportuniste, cette fédération de structures a su par la suite prouver sa légitimité par la mutualisation de ses ressources, ses primordiales actions de médiations culturelles, tout en continuant à défendre l'identité des actions menées par chaque participant de la fédé. Ce qu'on a craint n'est pas arrivé, le PMI a survécu à l'échec de sa première initiative et a bataillé pour continuer à défendre les pratiques amateurs, les artistes locaux indépendants et autres formes fragiles – peut-être pas forcément là où on l'aurait attendu, ou dans les propensions espérées. De quoi démontrer, cependant, la vitalité et l'efficience du tissu associatif culturel local, ce qui ne mange vraiment pas de pain en ces temps de défiance à tout va.
Après, on va arrêter l'angélisme, il reste encore du potentiel inexploité, et même de notre côté, si en toute franchise, on a pu pester et se prendre la tête avec Rocktambule sur des programmations passées, ce qui est en jeu ici dépasse allègrement les questions de personnes et de goûts subjectifs. Car forcément, l'échec de l'édition 2010 du festival confirmerait aux contempteurs de la démocratisation culturelle et de son accessibilité au plus grand nombre, dont PMI se fait un garant actif, le soi-disant amateurisme périlleux de ce genre d'initiatives, et replierait les acteurs sur eux-mêmes, là où, plus que jamais, l'heure devrait être à la mutualisation, à la réflexion globale et concertée. On ne va pas vous refaire un dessin sur la considération nationale et les saignées budgétaires dans la Culture, et vous voyez très bien quelles pourraient être leurs répercussions locales.
«Pour survivre à la guerre, il faut devenir la guerre»
En termes concrets, le sort du festival va se jouer lors des trois soirées sous chapiteau, pour lesquelles le PMI a assuré ses arrières du mieux possible. En resserrant la programmation du festival et en revenant à la formule du chapiteau alignant en son sein des artistes dûment fédérateurs (sans oublier les non négligeables recettes occasionnées par le bar), le festival peut espérer sortir la tête de l'eau - avec pas mal de chance. Même si les derniers albums d'IAM vous ont autant touché qu'un épisode de Plus belle la vie, même si vous avez déjà vu Le Peuple de l'Herbe ou Hocus Pocus plusieurs fois, vous aurez tout de même l'occasion de voir des artistes excellents entre deux têtes d'affiche, comme la bourrine Casey ou l'extraterrestre Ben Sharpa, tout en soutenant une certaine vision, malheureusement moribonde, de la culture.
Après avoir hurlé à s'en époumoner en slalomant entre les mines anti-personnelles, le soldat Rocktambule vient tout juste de sortir de sa transe pour se rendre compte qu'il était à poil, seul au beau milieu du champ de bataille. Faut-il le laisser là ? Sir no sir, on va le chercher.
Rocktambule
Jusqu'au 23 octobre, lieux divers.