George Clooney, tueur à gages américain mélancolique, effectue sa dernière mission en Toscane : un polar atmosphérique et cinéphile signé Anton Corbijn.Christophe Chabert
En fait, derrière cette panoplie de film noir appliqué, Corbijn se livre à une pertinente expérience de cinéphile. Prenez un corps marqué par le cinéma américain (le tueur Clooney) et faites-le naviguer dans des références venues du cinéma européen. Lors d'une des nombreuses séquences de café du film, le héros voit sur un écran plasma un extrait d'Il était une fois dans l'Ouest. Le patron lui lance alors un «Leone ! Italian !» comme une fierté et un défi. Clooney l'Américain est aussi une image délocalisée, un fantasme, comme l'était Bronson chez Leone ; plus que de mener à bien sa mission, il s'agit pour lui de trouver sa place dans le paysage (les villages d'art italien, pas loin de L'Aquila), se frottant à des corps européens (la prostituée incroyablement charnelle incarnée par la troublante Violante Placido, qui donne au film des accents antonioniens) et des scènes de films (un baiser en pleine procession comme dans Voyage en Italie de Rossellini, la fabrication d'un flingue filmée avec la même méticulosité que le casse du Deuxième souffle de Melville). Peu à peu, The American impose sa nonchalance, son mélange de romantisme et de tension, son sens de la durée, de l'ellipse et de l'indécision. Corbijn installe sans tapage cette souveraine maîtrise du temps et du récit, créant un film aussi déroutant qu'entêtant, une œuvre contemplative qui revient comme un aimant sur les bords d'une rivière où l'on se baigne au milieu des balles perdues. Un film en quête de beauté et de gravité par-delà les conventions. Un vrai film européen, en sorte.The American
D'Anton Corbijn (Ang-It-ÉU, 1h43) avec George Clooney, Violante Placido, Johan Leysen...