« En pleine poire »

THÉÂTRE / Cinquième édition pour le Festival international de théâtre action organisé par la cie Ophélia Théâtre. Avec cette année une proposition hypothétiquement forte : Ticket, du collectif Bonheur intérieur brut. Soit un parcours documentaire-fiction sur l’immigration clandestine incluant le spectateur dans le dispositif. Aurélien Martinez

En ce mois de novembre extrêmement chargé niveau culturel, revoilà le Fita mené tambour battant par le metteur en scène Laurent Poncelet – à qui, au passage, on doit Magie noire, succès surprise de la fin de saison dernière. Avec toujours le même but chevillé au corps : « renouer avec une mission politique et sociale du théâtre, en lui redonnant toute sa place dans la cité, au plus près de la population » comme l’écrit le taulier dans son édito résumant très bien la vision qu’il souhaite développer avec cette manifestation. Au programme cette année, une vingtaine de spectacles, dont quinze internationaux. S’il serait fastidieux et pas forcément passionnant d’en dresser la liste ici (d’autant plus qu’on n’a pu en voir aucun, donc… !), nous pouvons mentionner ici ceux qui ont retenu notre attention. La Gigantea pour commencer, création brésilienne, roumaine et française qui semble intéressante ne serait-ce que visuellement au vu des quatre minutes d’extraits scrutées par nos soins (du 16 au 20 novembre dans différents lieux). Brainstorming ensuite (le 23 à l’Espace 600), parce qu’on vous avait déjà parlé l’an dernier de cette jeune compagnie lyonnaise lors de son passage à Pontcharra. Profils Atypiques aussi (du 16 au 19) : d’abord parce que le thème soulevé est très actuel (ces profils trop atypiques pour rentrer dans les cases fixées par les recruteurs), ensuite parce que France Inter et France Culture en ont dit du bien (!), et enfin parce que Laurent Poncelet « a une attention particulière pour ce spectacle qui traite de la question du travail avec une triple approche ivoirienne, québécoise et française » ! Mais la proposition qui a le plus éveillé nos sens – un brin endormis par tant de foisonnement – est sans conteste le Ticket du Collectif Bonheur intérieur brut, évoquant le parcours difficile des migrants clandestins. Comme on n’a pas pu le découvrir avant sa venue dans l’agglo, on a rencontré le metteur en scène Jack Souvant pour qu’il nous en dise plus. Magnéto.

Petit Bulletin : Avec Ticket, vous modifiez le rapport acteurs-spectateurs en confrontant directement les seconds aux premiers, sans frontières, et en changeant le lieu de représentation – ici la rue…
Jack Souvant : Ticket est un spectacle à la fois rue, à la fois salle, puisque le public a rendez-vous dans la rue avec un passeur. On est alors conduits à un camion prêt à démarrer, pour passer les frontières de manière clandestine : on a ainsi un premier rapport au théâtre de rue avec ce comédien qui nous fait traverser la ville de manière cachée. Ensuite, on rentre à l’intérieur du camion qui devient un espace fermé. Le rapport au public s’en trouve bouleversé car on se retrouve sur la scène, avec les acteurs à côté de nous. Donc pas en situation frontale, comme dans une représentation classique où acteurs et public sont séparés.

Ce qui brouille ouvertement les frontières, le spectateur se retrouvant au cœur du dispositif…
On a choisi la mise en situation. Le sujet de l’immigration clandestine est souvent traité par les médias de façon événementielle – c’est toujours très photogénique d’avoir la vision d’une barque sur l’océan Atlantique avec des corps accrochés dessus. Mais on n’a pas d’images et très peu d’informations sur les conditions de voyage à l’intérieur d’un camion, un milieu opaque et fermé. Le spectacle se prend alors vraiment dans la poire, au premier degré : c’était notre souhait de mettre les participants dans une position inconfortable, pour que ça puisse résonner différemment de ce que l’on ressent en regardant ça de loin, à la télévision par exemple. Mais on reste entre l’expérience et la représentation : vous ne serez pas un clandestin, même si vous jouez le jeu !

Pour construire le récit, vous avez collecté différents matériaux réels…
L’enquête a consisté à nous documenter sur ces conditions de voyage auprès des clandestins qui ont essayé de passer, mais aussi de la police, des douaniers… Toutes les informations sont donc réelles. Ainsi, on dénonce les conditions de non liberté de circulation des êtres humains sur la planète. Ce qui positionne forcément le spectateur, qui ensuite s’interroge. Car on ne peut pas s’empêcher de prendre position après le spectacle.

FESTIVAL INTERNATIONAL DE THÉÂTRE ACTION
Du 16 novembre au 5 décembre, dans divers lieux.

TICKET
Mardi 23 novembre au Jeu de Paume (Vizille), mercredi 24 et jeudi 25 à l’Heure Bleue (Saint-Martin-d’Hères), vendredi 26 et samedi 27 à la Rampe (Échirolles). Plusieurs horaires chaque jour.

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