Pellicule d'épiderme

Puisqu’une fois n’est pas coutume, enthousiasmons-nous encore du travail d’un artiste japonais. Le gagnant de cette semaine : un certain Mikio Watanabe, et ses saisissantes gravures en clair-obscur. Laetitia Giry

Vous l’avez sans doute déjà remarquée sans pour autant en franchir la porte : la galerie Eliane Poggi, cachée le long de la ligne de tram entre la Place de Verdun et l’Office de tourisme, est bien placée mais ne paye pas de mine. A l’intérieur, les œuvres pullulent, disparates et d’inégal attrait… Aujourd’hui, l’on ne peut que gentiment vous enjoindre à faire le pas, et pousser l’audace jusqu’à monter à l’étage, lequel accueille le fruit d’un travail pour le moins extraordinaire : celui du japonais Mikio Watanabe. Ce dernier utilise « la manière noire », une technique de gravure sur cuivre tombée en désuétude avec l’arrivée de la photographie, mais ayant connu un regain d’intérêt au vingtième siècle. Patiemment, l’artiste sculpte-dessine des formes féminines arrondies et polies, un peuple d’ombres ni exhibées, ni dissimulées, plein d’une pudeur sans encombre. Une réelle grâce émane de chaque gravure, évitant l’écueil du voyeurisme ou celui d’une simple contemplation. Le velouté obtenu grâce à la technique utilisée déploie la chair sur la surface, comme une incarnation légère exempte des aléas de la lourdeur potentielle de la représentation graphique. Un mystère en somme, celui de la vibration de la matière. En apparences
« Je suis intimement persuadé qu’au cœur de toutes les choses existant dans ce monde, il y a quelque chose de très simple et pur qui dépasse la complexité des apparences. Cette pureté est par essence puissance et beauté. » Cette citation de Mikio Watanabe présente l’originalité d’aborder les apparences par l’angle de la complexité, ce qui n’est pas coutumier. Sujet mystérieux tant d’un point de vue esthétique que philosophique, l’apparence fait croire à sa superficialité pour mieux l’annihiler. Elle devrait se suffire de paraitre, on la voudrait toute évidence, elle est pourtant plus et moins. Tout et rien. Le monde des ambivalences, celui, ombreux, de l’hésitation. Qu’un artiste s’exprime avec une telle simplicité sur la question est non seulement méritoire, mais aussi très rafraichissant. Alors, on peut se demander si son exploration n’est pas un principe vain, purement esthétique, dans l’adoration d’une beauté seulement décorative. Mais on a plutôt l’impression que l’idée de puissance induit une recherche se faisant par la matière esthétique, par l’exploration plastique, avec l’intention sous-jacente de toucher à un dévoilement qu’en l’occurrence, l’on trouve fort réussi.Manière noire
Jusqu’au 31 décembre à la Galerie Eliane Poggi.

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