L'universel, et vice-versa

« Double regard » sur une seule collection, la nouvelle expo du CNAC confronte des œuvres congolaises à d’autres japonaises. Une prolifération qui revêt l’apparence du chaos, dans une architecture aux moyens impressionnants d’où l’ordre surgit plus ou moins instinctivement. LG

La galerie d’exposition du Magasin a subi à l’occasion de « JapanCongo » une véritable métamorphose. Tous murs abattus, restait un espace vierge, propice au déploiement d’une scénographie complètement inédite et obéissant aux seuls désirs et visions de Carsten Höller, l’artiste grand manitou de l’exposition. Celui-ci n’envisageait pas de montrer les œuvres choisies autrement que dans un espace architectural prévu à cet effet, orientant la réception et le regard du visiteur. Résultat : un mur droit courant sur toute la longueur de l’espace (consacré aux artistes japonais), et un autre, courbe, lui faisant face (pour leurs homologues congolais). L’étrange galerie dissymétrique ouvre à son tour sur d’ingénieuses petites pièces, et laisse à l’extérieur les dos de bois des murs à la vue du public, lequel peut aller flâner dans cet envers nu, opposé radical du réseau interne où se côtoient plus de deux cent trente œuvres. L’instinct à l’œuvre
Si Carsten Höller prévoit en premier lieu de confronter aux extrémités les œuvres les plus différentes, pour se faire se répondre physiquement celles qui se ressemblent quand les murs se rapprochent, c’est une option qu’il abandonne, la jugeant « trop formaliste », se rendant à l’évidence suivante : les liens qui se tissent entre les œuvres des Congolais et des Japonais sont « bien plus complexes ». Le choix devient alors plus « intuitif » car « on ne les regarde pas seulement, on les sent », « on crée le lien en les regardant ». Il confie ce que serait pour lui la meilleure manière de visiter cette exposition : la « traverser, droit devant, avec un œil pour chaque côté, comme une philosophie, une manière de regarder le monde ». L’idée paraît excellente, elle est théoriquement plaisante. Le tout a par ailleurs l’immense mérite de couver en son sein bon nombre de perles, notamment du côté japonais. Mais de cette tentative de recherche d’un langage universel de l’art, ou d’échos se faisant naturellement malgré les frontières et les différences culturelles, émergent surtout des identités fortes. Car les seize Congolais s’opposent pour le moins radicalement aux quarante-neuf japonais dans la forme comme sur le fond. Les associer devient alors une gymnastique, qui, si elle n’est pas pratiquée spontanément, se retrouve plutôt face à une impasse : « At a dead end, In Deep », pour emprunter le titre de l’œuvre la plus abstraite et certainement la plus envoûtante présentée ici – un espace vidé agissant comme un trou noir au sein de la profusion. JapanCongo
Jusqu’au 24 avril 2011 au Magasin - CNAC.

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