Des illusions de la nature

Le Collectif Coin assure le commissariat de l’exposition L’illusion de…, s’interrogeant malicieusement sur les mythes sociaux et la responsabilité de l’homme par rapport à la nature. Maxime Houot, directeur du collectif, musicien et plasticien, nous en dit plus. Propos recueillis par Laetitia Giry

Petit Bulletin : Le Collectif Coin, c’est quoi ?
C’est un projet qui a démarré il y a plusieurs années. A la base, ce n’était qu’une association qui servait de structure administrative à mon groupe de musique, Les Lutins Patates de l’Espace. On a rapidement collaboré avec d’autres personnes, sur d’autres disciplines que la musique, avec la vidéo et la photo par exemple. L’objet de l’association est donc de mener des projets de création et de diffusion, avec l’idée qu’il y ait un côté collaboratif. On aime qu’à chaque fois les artistes ou personnes en charge de la coordination des projets changent. En avril, on organise une performance dansée sur un parking derrière la gare qui a la particularité d’être éclairé la nuit en vert fluo. Le but sera de réunir cinquante danseurs [c’est ouvert à tous, les intéressés peuvent prendre contact avec le collectif, NDLR] avec un chorégraphe, trois musiciens et un vidéaste pendant une soirée. Comment est née cette exposition, L’illusion de… ?
C’est une invitation du Centre d’Art Bastille dans le cadre des Impromptus (cycle d’invitations à la jeune création qui a lieu chaque hiver). On est partis de plusieurs pistes pour mener cette exposition : d’abord d’un paradoxe dans la définition de ce qu’est le naturel. Le Larousse le définit de deux manières complètement paradoxales. La première consiste à le considérer comme ce qui est le fait de la nature, la seconde comme ce qui n’est pas le fait de l’homme. Or l’homme est quand même le fait de la nature, ce qu’il produit devrait être naturel : il ne l’est pourtant pas dans l’inconscient collectif. En fait, je ne comprends tout simplement pas pourquoi. Je pense que c’est la source de beaucoup de confusions. Avec tous ces mouvements écologistes un peu hardcore, on nous met la pression, nous culpabilise. C’est un peu cela que l’on voulait traiter avec cette exposition. On a tenté de prendre deux axes. Le premier sur la peur systématique de la science ou de tout ce qui est évolution dans ce domaine. Car on est passés d’une croyance absolue dans la science et le progrès à une méfiance systématique de l’avancée technologique. Le deuxième sur les dérives de l’écologie… Est-ce que ça a un sens de manger des Chocapic bios ? Comment se placer entre l’envie de bien faire et le constat que de toutes manières on ne peut être irréprochables ? Il faut assumer sa nature d’homme : oui, je marque la nature et c’est un fait. Il ne faut pas en abuser, d’accord, mais pas non plus se culpabiliser. Un Iceberg peint en rouge comme contre-point à l’écologie ambiante…
Oui, j’aime bien ce côté irrévérencieux. Sans le rendre systématique, ça fait du bien de tempérer un peu. Votre installation, Terminator, est ludique et angoissante à la fois (plusieurs écrans affichent les photos des visiteurs au rythme d’une musique inquiétante)…
Cette œuvre part de plusieurs choses. D’abord d’un petit traumatisme : quand j’avais dix-douze ans et que j’ai commencé à voir Terminator et tous ces films d’anticipation, dans lesquels, forcément, on nous disait que ça allait mal se passer à cause de l’intelligence artificielle. J’en étais friand mais finalement, ça m’a marqué et j’avais très peur. Avec cette installation, j’avais envie de faire un peu ma thérapie, de créer l’illusion de l’intelligence artificielle avec un procédé assez simple : la caméra qui détecte la présence du visiteur et peut suivre son mouvement. Cela tend à dédramatiser l’intelligence artificielle, même si j’ai un peu tendance à m’en méfier, quoique je deviens un peu plus cynique à cet égard. Et puis c’est l’évolution d’une installation qui s’appelait CLIC, que l’on avait mise en œuvre dans le cadre des Rencontres I en 2009 [biennale Arts Sciences coordonnée par l’Hexagone de Meylan, NDLR]. Cet aspect de recherche m’intéresse énormément, je trouve que l’on produit souvent des choses interactives qui exploitent mal les possibilités, et je pense que l’on peut faire mieux. J’aime m’interroger sur la signification du terme d’Arts Sciences, me demander si tout ce que l’on produit peut être qualifié d’artistique. Je n’en suis pas sûr. L’illusion de…
Jusqu’au 20 février, au Centre d’Art Bastille (CAB)
Par le Collectif Coin (contact@collectif-coin.com)

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