Mardi 11 juin 2019 À mille lieues du cinéma de genre hollywoodien et de ses morts-vivants avides de cerveaux, Bertrand Bonello retourne aux sources vaudoues en déguisant un film de zombis avec adolescentes en réflexion historico-philosophique abstraite. Plus intrigant...
"L'Apollonide, souvenirs de la maison close" : beau bordel
Par Christophe Chabert
Publié Vendredi 16 septembre 2011
De Bertrand Bonello (Fr, 2h05) avec Jasmine Trinca, Hafsia Herzi, Noémie Lvovsky...
Avec L'Apollonide, Bertrand Bonello nous enferme dans un bordel à la charnière du XIXe et du XXe siècles, avec ses filles (belles, dénudées, frivoles, solidaires), sa mère maquerelle (qui gère et protège sa maison) et ses clients (obsessionnels plus qu'obsédés). La structure du film est celle d'une spirale ou d'un disque rayé, la scène initiale et traumatique (une des filles a été défigurée et ses cicatrices la condamnent à un sourire perpétuel et inquiétant) revenant à intervalles réguliers pour souligner le crépuscule dans lequel s'enfonce cette maison close.
Bonello a au moins réussi cela : créer par sa narration, son ambiance sonore et ses images la sensation opiacée d'un monde qui disparaît. Le problème, énorme, de L'Apollonide, c'est que son réalisateur ne résiste jamais à la tentation de se mettre en avant au détriment de ce qu'il raconte : accumulant les références à des cinéastes qui le dépassent de la tête et des épaules (Cronenberg, Kubrick, Argento, Hou Hsiao Hsien et même Renoir !), sautant sur la première idée couillonne qui passe (une scène grotesque où les filles dansent sur Nights in white satin des Moody Blues, un client qui court après sa panthère en répétant « Vuitton ! Vuitton ! Vuitton ! »), Bonello plombe le tout d'un discours kouglof sur le capitalisme et l'individualisme détruisant la solidarité (le personnage "sarkoziste" d'Adèle Haenel, qui ne pense qu'au fric et traite son corps comme un instrument de tremplin social). Quand il cessera de faire le malin pour épater ses copains critiques parisiens, Bonello sera peut-être enfin cinéaste (il ne l'a jamais autant été qu'ici).
à lire aussi
vous serez sans doute intéressé par...
Mardi 30 août 2016 Après deux films en costumes ("L’Apollonide" et "Saint Laurent"), "Nocturama" signe le retour de Bertrand Bonello au plus-que-présent de l’allégorique pour l’évocation d’une opération terroriste menée par un groupuscule de jeunes en plein Paris....
Mardi 21 avril 2015 D’Antoine Barraud (Fr, 2h07) avec Bertrand Bonello, Jeanne Balibar, Géraldine Pailhas, Joana Preis…
Mardi 23 septembre 2014 En dépassant l’exercice du biopic poli, Bertrand Bonello dépeint un Saint Laurent en gosse paumé au centre d’une ruche en constante ébullition. Et s’intéresse uniquement aux difficultés qu’a eues le couturier à accepter son statut d’icône.