Les lois du dancing

Mesures antitabac, renforcement des contrôles de la sécurité routière, crise économique… Face aux nouvelles contraintes, les boîtes de nuit s’adaptent pour rester des lieux de fête. Tour d’horizon - non exhaustif - des discothèques grenobloises. REINE PARIS

1h30 du matin. Le Vertigo se remplit brusquement. Cela fait vingt ans que Fred travaille dans le monde de la nuit. En experte, elle se faufile entre les tables et sert les boissons à bout de bras. Elle s’interrompt de temps en temps pour faire la bise aux habitués. Depuis 17h, elle refuse les réservations. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les effets de la crise, des mesures anti-tabac et autres lois, ne semblent pas se faire ressentir ici.  « Les gens ne viennent pas pour la déco, mais pour le service à table. On peut être dans un cube, ce qui fait tout, c’est l’accueil et la musique. Ici, on a vu naître de grands DJ », dit-elle, citant Laurent Garnier et David Guetta. « On passe de la house, quelques vieux thèmes toujours d’actualité, mais on essaie surtout de donner une éducation sur les nouveautés parce que tout le monde ne va pas à Ibiza tous les étés », s’enthousiasme-t-elle. Dans ce club qui a déjà connu plusieurs vies sous les noms du Flamand rose et de La Fièvre, les gens se pressent dès la fermeture des bars. « On est relativement bien accueilli, estime de son côté Charline, 20 ans, perchée sur son tabouret, l’air blasé. On est tranquille, il y a une sélection à l’entrée. Tous les samedis, les jeunes des lycées Champollion et Stendhal se retrouvent ici. » Petites robes noires, chemises, paillettes, chaussures vernies, ça brille sous les spots sur le dancefloor. « On est la boîte à la mode du centre ville, résume Salvator, barman depuis sept ans au Vertigo. On accueille la jeunesse dorée grenobloise. »

Varier les ambiances

Plus roots, mais tout aussi incontournable : le Vieux Manoir, quai Saint-Laurent. Le lieu est immense, décoré de bric et de broc, avec des angelots par-ci, un gigantesque alambic à parfum par là. Le clubbeur a le choix entre plusieurs ambiances musicales. « 2008 a été une année compliquée avec la loi antitabac. Toutes les discothèques ont perdu 30% de leur clientèle, souligne Archange qui a succédé à son père à la tête de l’établissement en 1971. Nous, on a investi. On a ouvert l’Ave Maria, une salle réservée aux plus de 25 ans, et on a construit les deux grands fumoirs. » Les clients qui arrivent par petits groupes l’interpellent par son prénom. Le débonnaire patron de la boîte raconte qu’en quarante ans de métier, il a fallu « s’adapter ». Les locaux ont été restaurés et agrandis pour le confort de la clientèle et sa sécurité. Marqué par l’incendie du 5-7, un dancing à Saint-Laurent-du-Pont, qui causa la mort de 146 jeunes en 1970, Archange se dit « responsable » des gens qu’il accueille. En cas d’ennui, il est immédiatement informé par les membres de son équipe grâce à un système d’oreillettes. « Il faut avoir de la rigueur, ne plus servir ceux qui ont trop bu et refuser l’entrée à ceux qui sont excités. »

Cuir et moustache

Très à cheval sur la sélection à l’entrée avec sa « tenue correcte exigée », le Théâtro, situé en face du Pathé Chavant, offre une formule tout en un. « Ici, on peut à la fois prendre l’apéro, dîner et danser », déclare David, qui a repris l’affaire début novembre. Son mot d’ordre est aussi de « s’adapter ». Aux nouvelles lois, comme aux demandes de la clientèle. Spacieuse, sa discothèque compte un carré VIP et est modulable pour permettre la tenue d’événements variés. Le complexe est ouvert sept jours sur sept mais les DJ ne viennent que du mercredi au samedi. Pour les boîtes en dehors du centre ville, la situation est moins rose. Au Status, cours Jean-Jaurès, on mise tout sur la musique électronique. « On propose tous les styles : clubbing, house, techno… Et on ne fait que ça. On est les seuls à Grenoble à être 100% électro », explique David qui a monté ce lieu il y a trois ans et demi. Pour attirer la clientèle, il recourt à diverses stratégies comme ouvrir plus tôt le jeudi en servant l’apéro. « On a constaté que les gens sortaient moins en semaine, alors maintenant, on n’ouvre plus le mercredi. » Même son de cloche cours Berriat, au George V. La seule boîte gay de l’agglo souffre de son emplacement excentré. « Il y a moins de bars dans le quartier, ou alors ils ferment plus tôt. Du coup, le mercredi et le dimanche, on ouvre vers 21h au lieu de 23h30 », dit Matthieu, le propriétaire. Le jeudi, il propose des tarifs préférentiels pour les étudiants. Il programme régulièrement des soirées électro « What the F_ck ? », cabaret, et multiplie les soirées à thèmes plus où moins provoc’ comme « Cuir et moustache » ou « La nuit de la suce ». « Par contre, les gogo dancers et les drag queens, ne surprennent plus les gens. Il faut savoir se renouveler en permanence. » Malgré les efforts faits, il trouve que la situation s’est dégradée. « Les boîtes de nuit étaient le lieu de l’impertinence. Maintenant les gens ne se lâchent plus autant. La consommation d’alcool est surveillée, il y a les lois antibruit, antitabac, et maintenant la loi sur les éthylotests [obligatoires dans les discothèques depuis le 1er octobre 2011 - NDLR], ça casse le côté festif. »

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