Oh oui, exploite-moi

La nouvelle édition du Festival des Maudits Films enfonce le clou d’une ligne éditoriale aussi ludique qu’exigeante. En offrant la parole à d’authentiques passionnés de la chose cinématographique, en exhumant des bijoux méconnus du 7e art, et, in fine, en redonnant aux cinémas de genre et d’exploitation des lettres de noblesse qu’ils auraient toujours dû avoir. François Cau

En septembre, on vous entretenait de la précarité toujours accrue du Centre Culturel Cinématographique, et incidemment de l’impact prévisible sur son événement phare annuel. Comme le soulignait la présidente du ciné-club historique grenoblois, un festival doit prendre de l’ampleur pour ne pas stagner puis disparaître. Si la compétition de longs-métrages n’est toujours pas à l’ordre du jour (celle des courts répond présent cette année encore), le corpus de sa programmation en revanche mérite moult louanges de la part de tout cinéphile se respectant un minimum. Pour vous donner une idée, si on était dans un teen movie américain, au beau milieu d’une assemblée, une personne se lèverait, regarderait le comité de sélection dans les yeux, et commencerait à frapper dans ses mains de la façon la plus sonore possible, entraînant rapidement le reste de la salle dans un tonnerre d’applaudissements. L’équipe du CCC avait d’ores et déjà démontré que son appréhension du cinéma de genre ne se limitait pas à surfer sur un engouement ludique, mais reposait bien sur une émulation poussée autour de la face trop souvent cachée et déconsidérée du cinéma.

Artistes maudits

Le caractère le plus symptomatique de cette démarche apparaît à travers les focus accordés à deux figures cultes mais violemment dénigrées du cinéma français : Jean Rollin et Gérard Filipelli, alias Phil des Charlots. Le premier, réalisateur indépendant de plus d’une quarantaine de films fantastiques situés en dehors de tout canon esthétique et pour tout dire de facture souvent approximative, a poursuivi jusqu’à son récent décès ses créations poétiques macabres sans se soucier d’une quelconque reconnaissance. Outre son film Les Démoniaques (1974), le festival projettera le précieux documentaire Le Rêveur égaré de Damien Dupont et Yvan Pierre-Kaiser, analyse vibrante et honnête du personnage, longuement interviewé pour l’occasion sans aucune espèce de langue de bois. Quant à Phil des Charlots, ce gang comique qui aura traumatisé les salles françaises entre les années 70 et 80 avec des films loin d’être mémorables – si ce n’est le stupéfiant (dans tous les sens du terme) Les Charlots contre Dracula (1980), justement retenu dans la programmation -, il aura les honneurs de son portrait filmé par la vaillante équipe de Nanarland dans le documentaire Les Charlots au bout du Phil, témoignage halluciné et des plus intègres de cette absurde épopée. Dans les deux cas, le but n’est pas de se moquer de ces figures conspuées, ni de les prendre à contre-courant par effet de hype mal placé. Mais bien de faire découvrir dans les détails deux parenthèses pas nécessairement enchantées de l’histoire du cinéma français, et de rendre hommage à la passion de ces laissés-pour-compte de la cinématographie “convenable“.

Mauvais genre toi-même

L’hommage rendu à l’éditeur / producteur Le Chat qui fume procède exactement du même genre d’idée, comme on vous l’explique ci-contre. Les autres soirées ne manqueront pas d’être savoureuses à l’excès. La soirée Science-fiction coordonnée avec la Cinémathèque fera découvrir sur grand écran les classiques La Mouche noire de Kurt Neumann (1958, inspiration du film de David Kronenbourg, pardon, Cronenberg) et Le Rayon invisible (1936, rencontre entre les grandioses Boris Karloff et Bela Lugosi). La soirée Grindhouse enchaînera le parfum de scandale suranné du Bloody Mama de Roger Corman (1980) et la niaque militante du Coffy de Jack Hill (1973), fleuron de la blaxploitation doté d’une magnifique Pam Grier dans le rôle titre et d’une bande-son fabuleuse de Roy Ayers. Enfin, la soirée érotisante se targue de trois gros morceaux, si vous me passez l’expression : l’un peu daté Moulin des Supplices de Giorgio Ferroni (1960), l’incroyable Bête Aveugle de Yasuzo Masumura (1969), pamphlet surréaliste et baroque, montée sensorielle riche de sens sur la passion érotique, et enfin l’invraisemblable nanar Le Retour de Flesh Gordon (1989), suite d’une parodie déjà bien barrée du célèbre héros en habits moulants, qui vaut surtout pour ses dialogues et son hilarant bestiaire de créatures lubriques.

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