Comme on fait son Lee...

Au programme du prochain Cinéma de Quartier, "Prime Cut" et "Canicule", deux perles noires méconnues confrontant le grand Lee Marvin à un environnement rural hostile et décadent. Damien Grimbert

Petit chef d’oeuvre de cinéma déviant, violent et, osons le mot, romantique des années 70, Prime Cut cache pourtant bien son jeu au premier abord : un réalisateur peu connu (Michael Ritchie), un pitch minimaliste (un gangster de Chicago envoyé par ses employeurs au Kansas pour recouvrer une dette)… Pas de quoi s’affoler a priori. Mais rapidement, tout se trouble. Un cadavre dénudé dans une usine de saucisses, des adolescentes nues et droguées dans les boxes en paille d’une foire au bétail, une kermesse rurale qui vire au jeu de massacre, une traque au fugitif en moissonneuse-batteuse… On sent très vite que tout, absolument tout, peut arriver, et pourtant, on ne décroche pas du scénario une seconde, on s’attache à chacun des personnages comme s’il était doté d’une existence propre, on se laisse prendre aux tripes par l’atmosphère déliquescente de ce Kansas rural et primitif inhospitalier. Et c’est cette dualité permanente qui fait toute la force de ce film noir empathique : le ton est désabusé mais pas désespéré, les protagonistes archétypaux mais non dénués de nuance, la mise en scène d’une belle fluidité mais jamais ostentatoire, le rythme enlevé mais aucune scène expédiée… Porté qui plus est par un casting quatre étoiles (Lee Marvin en dur à cuire, Gene Hackman en redneck dégénéré, Angel Tompkins en femme fatale et la toute jeune Sissy Spacek en ingénue troublante), Prime Cut est l’exemple même du film qui ne relâche jamais la pression. Et quand Lee Marvin recharge sa mitraillette sous un ciel zébré d’éclair dans l’attente de l’affrontement final, on réalise que le bonheur pur au cinéma tient parfois à pas grand-chose.

Voir la Beauce et mourir

Film un peu mineur dans la filmographie de haut vol d’Yves Boisset (Dupont-Lajoie, Le Prix du Danger…), Canicule se regarde néanmoins avec grand plaisir, malgré un rythme un peu en dent-de-scie. Douze ans après Prime Cut, on y retrouve de nouveau Lee Marvin en gangster paumé dans la cambrousse, cette fois aux prises avec une famille franchouillarde aussi dégénérée que cupide. L’occasion pour Boisset de se livrer à un jeu de massacre bien acide comme il aime tant à le faire, aidé par une belle brochette d’acteurs (Miou-Miou, Jean Carmet, Victor Lanoux, Jean-Claude Dreyfus, Bernadette Lafont…) tout acquise à sa cause. Si l’absence globale d’enjeu scénaristique affaiblit un peu l’impact du film, voire tout ce beau monde se vautrer dans l’impolitiquement correct avec une telle allégresse reste un bonheur dont on aurait tort de se priver à l’heure actuelle.

Cinéma de quartier n°29
Lundi 27 février à 19h (Prime Cut) et 21h (Canicule) à la Salle Noire

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