Les Pirates ! Bons à rien, mauvais en tout

Dernier-né des studios d’animation anglais Aardman, "Les Pirates !" est un fourre-tout à la fois insipide et fatiguant, ni vraiment drôle, ni franchement trépidant, un produit indigne des créateurs de "Wallace et Gromit" et "Shaun le mouton". Christophe Chabert

Bons à rien, mauvais en tout, dit le sous-titre, afin de bien faire comprendre aux spectateurs que l’héroïsme ambivalent qui caractérise les flibustiers des mers est à chercher ailleurs. C’est vrai : à côté du Capitaine Pirate, même Jack Sparrow est un monstre de courage et d’abnégation. Alors oui, la dernière production Aardman taille des croupières au mythe du pirate cupide, méchant mais valeureux en montrant une galerie d’incapables qui n’ont plus qu’une seule ambition dans la vie, attendre la prochaine «nuit du jambon». Mais il faut avoir vécu dans une grotte hermétiquement close à toute image cinématographique pour ne pas se rendre compte que le cinéma d’animation, de Pixar à Dreamworks, a fait de ce renversement des clichés un fonds de commerce juteux et, comme toute bonne idée exploitée à outrance, aujourd’hui passablement tarie. Du coup, Les Pirates ! a d’entrée un bon train de retard.

Le pirate reste à venir

Se rattrape-t-il avec son scénario, ses personnages, sa technique à l’ancienne (la plasticine, ici passée en 3D) ? Pas vraiment. Niveau intrigue, on est dans le bric-à-brac où l’objectif du Capitaine (remporter le titre de meilleur pirate de l’année) croise celui de Charles Darwin (qui cherche de son côté à décrocher un concours scientifique pour des fins toutes personnelles) et de la Reine Victoria. Il y avait ici matière à créer un double-fond pertinent entre les mythes à bout de course, la raison scientifique et la rigidité monarchique. Mais non, rien, sinon quelques private jokes culturelles avec les sœurs Brönté et John Merrick, et un amusant personnage de chimpanzé humanisé. Rien à déclarer non plus sur les seconds couteaux de l’affaire, ébauche de pistes jamais développées (comme cette fille qui se déguise en homme pour rejoindre la confrérie des pirates). Enfin, pour ce qui est de l’animation, le choix de la 3D fait perdre aux déjà rares scènes de poursuite (le point fort des productions Aardman, qu’on se souvienne de celles, énormes, dans les Wallace et Gromit) leur frénésie visuelle, obligeant à ralentir et à découper le mouvement pour garder l’action lisible. Bref, à vouloir sortir de son artisanat pour aller concurrencer les blockbusters américains, Aardman y a manifestement perdu son âme.

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