Un père de famille endeuillé achète un zoo pour offrir une nouvelle vie à ses enfants et se retrouve à la tête d'une communauté en souffrance. Superbe sujet à la Capra, que Cameron Crowe transforme en fable émouvante où l'on apprend à rêver les yeux ouverts et les pieds sur terre.Christophe Chabert
Et si on en finissait avec le cynisme, le second degré, la misanthropie light du temps présent ? Après Spielberg et son magnifique Cheval de guerre, c'est au tour de Cameron Crowe, qui signe ici son meilleur film depuis Presque célèbre, de travailler à recréer l'espoir naïf d'un monde où la mort et la crise sont surmontées non par l'ironie, mais par un optimisme lucide. C'est de cela dont il est question dans Nouveau départ (réglons une bonne fois pour toutes le sort de ce titre français pourri : le film s'appelle We bought a zoo, On a acheté un zoo). Benjamin Mee (Matt Damon, excellent, et à nouveau surprenant après The Informant, True Grit, Contagion...), reporter casse-cou qui a bravé bien des épreuves sauf une, la mort de sa femme, veut renouer le lien qui se distend avec ses deux enfants en achetant une nouvelle maison, loin des mauvais souvenirs. Sur un coup de tête, il acquiert un zoo fermé depuis de nombreux mois, mais dans lequel résident encore le personnel et les animaux, attendant un sauveur providentiel.
Ce qu'il reste d'un rêve américain
Ce rôle de sauveur, Mee va avoir du mal à l'endosser, et c'est toute la force de la première heure : comment l'enthousiasme (réel ou feint, peu importe) du héros se heurte à la cruauté de la réalité, obstacles qui se dressent en permanence face à ce «rêve américain» branlant auquel il s'accroche par fierté. Il n'a pas pu garder en vie sa femme, et le voilà qui fait renaître une communauté tout entière. Dans l'étourdissant récit que constitue We bought a zoo, entre comédie et mélodrame, Crowe ne laisse aucun personnage sur le bord du chemin, chacun venant creuser un peu plus les angoisses, aspirations et contradictions de Mee. Le plus beau reste le rôle de ce tigre vieillissant, qui rejoue sur un mode mineur le drame que le héros voulait exorciser : accepter le deuil pour pouvoir être pleinement avec les vivants. La dernière scène, sublime, voit Mee achever son parcours en faisant littéralement surgir un souvenir comme si, définitivement arrimé à la terre par ce projet insensé, il pouvait en faire sortir le rêve et le merveilleux. Il n'est pas interdit alors de fondre en sanglots.